Cabines de bronzage : une fausse bonne idée pour la peau
Avec l’arrivée des beaux jours et la promesse des grandes vacances, certains sont tentés de recourir aux cabines de bronzage pour "préparer leur peau" ou éviter de "ressembler à une aspirine" sur la plage. Pourtant, ce "soleil en boîte", comme le nomme le Dr Claudine Blanchet-Bardon, dermatologue et vice-présidente du syndicat national des dermatologues et vénérologues (SNDV), représente un véritable danger pour la santé. Responsable de la semaine de prévention et de dépistage du cancer de la peau, elle s'insurge contre les "allégations mensongères sur leurs prétendus bienfaits" des appareils de bronzage véhiculées par les fabricants et les centres mettant à disposition du public ces cabines.
Ni "préparation" ni synthèse de vitamine D
A la différence de la lumière naturelle, qui contient trois types de rayonnements ultraviolets (UVA, UVB et UVC), les cabines de bronzage émettent principalement des UVA, "à condition de fonctionner correctement", souligne la vice-présidente du SNDV.
Mais, alors que l’exposition au soleil entraîne une réaction de protection de l’organisme se traduisant par un épaississement de l’épiderme et une stimulation de la synthèse de mélanine (qui donne à la peau un teint plus foncé), ce n’est pas le cas pour la lumière diffusée dans les cabines de bronzage. "Les UV émis par ces appareils étant principalement des UVA, l'épaississement de la peau, qui nécessite l'ensemble du spectre de rayonnements UV présent dans la lumière naturelle, ne se fait pas", fait remarquer la vice-présidente de la SNDV. Non seulement la peau ne peut pas être "préparée" avec ces appareils (une "préparation", par ailleurs, toute relative, puisqu'il s'agit, en réalité, d'un système de défense de la peau), mais elle est, de plus, fragilisée par une dose de rayonnements qui s'ajoutera à celle de la lumière naturelle.
Par ailleurs, contrairement à une idée encore répandue, l'exposition aux rayonnements de ces cabines ne permet pas à l'organisme de stimuler la synthèse de vitamine D. "Ce sont les UVB qui permettent au corps de se recharger en vitamine D et non les UVA", précise la dermatologue. Qui plus est, les apports en vitamine D nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme proviennent principalement de l’alimentation (huiles, poissons gras, etc.).
Effets cancérogènes
Mais, surtout, les rayonnements ultraviolets tout comme les cabines de bronzage ont été classés, en 2009, par le Centre international de la recherche sur le cancer (CIRC), comme cancérogènes certains. Dans un communiqué conjoint, publié à l’occasion de la semaine nationale de prévention et de dépistage des cancers de la peau (du 14 au 18 mai derniers), le SNDV, le ministère des Solidarités et de la Santé et de l’Institut national du cancer (INCa), ont rappellé que "chaque année, près de 80 000 cancers de la peau sont diagnostiqués (…)" et que "près de 1 800 personnes décèdent des suites de ce cancer". Or, environ "5 % de ces cancers sont liés à l’utilisation de cabines de bronzage", souligne le communiqué. Qui plus est, "les doses d’UV reçues dans les cabines de bronzage s’ajoutent à celles des expositions aux UV naturels, augmentant ainsi le risque de cancer cutané", rappelle l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Qui ajoute que "l’exposition aux UVA et UVB provoque des lésions sur l’ADN pour des doses inférieures à celles déclenchant le coup de soleil", ce qui induit, "à tort, un sentiment de sécurité dû à l’absence de coups de soleil" chez les utilisateurs, du fait d’une prédominance des UVA dans ces d’appareils de bronzage.
Le Dr Blanchet-Bardon rappelle également que "les UVA émis par les appareils de bronzage pénètrent profondément dans la peau, entraînant un vieillissement cutané, et donc la formation de rides", sans compter les risques de brûlure si l’utilisation et/ou l’appareil sont mal surveillés. Enfin, la professionnelle précise qu’il "existe des données scientifiques, notamment américaines, qui mettent en évidence un phénomène d’addiction aux cabines de bronzage".
Quelques progrès... mais des efforts encore à faire
En 2016, une enquête menée par la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) auprès de 982 établissements (centres de bronzage et instituts de beauté, principalement) révélait que 63% des entreprises présentaient au moins une non-conformité. Les normes de sécurité relatives aux appareils de bronzage, ainsi que leurs conditions d’utilisation étaient, en particulier, pointées du doigt.
Le Dr Blanchet-Bardon reste, cependant optimiste : "depuis maintenant 20 ans, le SNDV se bat pied-à-pied avec chacun des ministres de la Santé qui se sont succédés pour que ces cabines de bronzage ne soient plus utilisées, et cela est en train de faire son chemin dans l’esprit des gens". Selon elle, "les derniers arrêtés publiés [en 2016, notamment, NDLR] ont marqué une étape importante, puisqu’ils ont interdit toute publicité et tout geste commercial".
En avril dernier, Alizés diffusion, la société qui gère les franchises "Point soleil", leader des centres de bronzage en France, a été placée en redressement judiciaire du fait, notamment, de la prise de conscience de la dangerosité des appareils de bronzage par la population.
Mais "il reste encore du travail à faire", estime la vice-présidente du SNDV, notamment sur la vente d’appareils de bronzage individuels sur internet et auprès des salles de gym et des esthéticiennes, "qui n’ont aucune formation pour utiliser ces appareils et ont tendance à offrir ces prestations à leurs clients", ajoute-t-elle. Tout en soulignant que l’Etat soutient, depuis 20 ans, le SNDV dans ses efforts pour alerter la population sur les risques liés à l’utilisation des cabines de bronzage, le Dr Blanchet-Bardon note, cependant, qu’il "aurait pu faire plus." Et conclut : "le soleil est un ami à apprivoiser, mais le soleil artificiel n’est jamais bon."
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