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"Des milliers" de sages-femmes "désertent nos maternités", alerte la présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français

Une nouvelle journée d'action des personnels hospitaliers est prévue mardi pour réclamer des hausses de salaires et d'effectifs.

Article rédigé par franceinfo
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Lors d'une grève de sages-femmes à l'hôpital de Saint-Chamond (Loire), le 29 novembre 2021. Photo d'illustration. (PHILIPPE VACHER / MAXPPP)

Les sages-femmes "s'installent en ville, et elles désertent nos maternités", alerte ce mardi 7 juin sur franceinfo Joëlle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Neuf syndicats et collectifs hospitaliers organisent une journée de mobilisation mardi, pour réclamer des hausses de salaires et d'effectifs

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La cheffe du service gynécologie-obstétrique du Centre Hospitalier des Quatre Villes à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) estime qu'il manque "des milliers" de sages-femmes en France et que celles qui sont déjà en poste "choisissent" de "s'orienter vers d'autres activités, vers le planning familial ou vers la gynécologie", mais pas à l'hôpital.

franceinfo : Si vous deviez décrire votre service, de quoi manque-t-il le plus aujourd'hui ?

Joëlle Belaisch-Allart : Comme dans tous les services de France, et pas seulement de la région parisienne, nous avons un problème de sages-femmes. Elles en ont un peu assez de la pénibilité de la salle de naissance et s'orientent vers de la gynéco et du planning en ville. Mais je ne leur jette pas la pierre, parce que c'est exactement la même chose pour les médecins. La salle de naissance est un travail pénible, fatigant et pas reconnu. Et c'est un travail d'urgence. Donc, le personnel s'oriente vers d'autres activités.

Nous sommes en manque de sages-femmes. C'est une certitude. Après le manque, il est variable selon la taille des maternités. Plus on est une grosse maternité, plus on a du personnel. Donc plus on va essayer de s'orienter autrement. De recentrer l'activité sur la salle de naissance. Mais c'est vraiment au détriment de tout ce qui est le bien être des patientes et de la qualité de vie du personnel.

Ce manque de sages-femmes en France on arrive à le chiffrer ? Ce sont des centaines ou des milliers de personnes qui manquent ?

Je pense que c'est de l'ordre des milliers. En fait, il y a des sages-femmes mais elles choisissent à la sortie de l'école s'orienter vers d'autres activités, vers le planning familial ou vers la gynécologie. Elles s'installent en ville et elles désertent nos maternités. 

C'est une question de quoi ? De conditions de travail, de rémunération ?

C'est une question de reconnaissance, de conditions de travail, de reconnaissance financière, de reconnaissance morale, et c'est exactement le même problème pour les médecins. Le travail en salle de naissance est pénible. C'est un travail de jour et de nuit. C'est un travail d'urgence. Il n'est pas du tout reconnu ni pour les uns, ni pour les autres, ni pour le reste du personnel qui travaille en salle de naissance. Comme les urgences générales. Et pourtant, nous sommes une spécialité d'urgence, sans toucher toutes les primes qui vont avec.

Est-ce une question de génération ? Les plus jeunes aujourd'hui ne sont pas prêts à accepter ce que les plus âgés ont peut-être enduré ?

Oui, il y a une question de génération qui privilégie la qualité de vie. Que ce soient des hommes ou des femmes d'ailleurs, on ne peut pas dire que c'est la féminisation. C'est vrai que les sages-femmes sont en majorité des femmes et que les médecins deviennent de plus en plus en majorité des femmes. Mais ce n'est pas ça le problème, c'est la qualité de vie et la génération.

Il faut rendre la salle de naissance attractive. Attractive par une reconnaissance financière. Pour le moment, on n'y est pas du tout. Et puis, il faut cesser le gynéco-bashing. Il y a eu quelques rares gynécologues qui n'ont pas été à la hauteur des attentes des patientes, mais l'immense majorité d'entre nous, nous passons notre temps à nous dévouer pour elles. Le "gynéco-bashing" n'encourage pas les jeunes générations à venir vers la gynécologie obstétrique.

Comment est-ce que les maternités vont gérer les trois ou quatre mois qui arrivent ?

En se recentrant exclusivement sur l'activité en salle de naissance. Ça veut dire que, dans la majorité des services, on a supprimé tout ce qui est pourtant essentiel au bien être des patients : les cours de préparation à l'accouchement, parfois les échographies, parfois les consultations de sages-femmes pour les concentrer exclusivement sur les consultations de médecin.

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