Ségur de la santé : "Les discussions sur les salaires, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt", estime un médecin du collectif Inter-Hôpitaux
Olivier Milleron, cardiologue à l’hôpital Bichat et membre du collectif Inter-Hôpitaux veut un "changement de philosophie", des garanties que l'hôpital public va être financé et un changement de gouvernance.
"Les discussions sur les salaires, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt", a déclaré mardi 30 juin sur franceinfo le docteur Olivier Milleron, cardiologue à l’hôpital Bichat et membre du collectif Inter-Hôpitaux. "Nous on veut un changement de philosophie", "qu'on annonce que l'hôpital va être bien financé au cours des prochaines années", souligne celui qui participera à la nouvelle manifestation des soignants mardi à l'appel de FO, SUD, Unsa, CGT, et des collectifs Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences. Les réunions dans le cadre du Ségur de la santé se poursuivent jusqu'à vendredi, avant des annonces dans les semaines suivantes.
franceinfo : Olivier Véran a proposé lundi 300 millions d'euros pour revaloriser les salaires des médecins hospitaliers. Il a aussi été question de 6 milliards d'euros pour les soignants non médecins qui travaillent dans les hôpitaux et les Ehpad publics. Et tout ça, ça ne suffit pas pour vous ?
Olivier Milleron : Les discussions sur les salaires, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Nous, on s'est mobilisé avant le Covid, ce qu'on attend depuis plusieurs mois c'est un changement de philosophie des politiques envers l'hôpital. Nous, on veut un hôpital public qui est fort, qui permet un accès aux soins pour tous, avec des lits, des moyens, de la qualité.
On veut sortir de l'hôpital-entreprise, de la tarification à l'activité, on veut un budget de la santé décidé en fonction des besoins de la population et pas sur la base d'une maîtrise comptable du gouvernement qui veut réduire les déficits.
Olivier Milleron, cardiologue à l’hôpital Bichat et membre du collectif Inter-Hôpitauxà franceinfo
L'hôpital a besoin d'une attractivité, que le politique dise que son objectif, c'est que l'hôpital public marche très bien. En fait, à chaque fois qu'il y a des annonces, on est dans le flou. On sent que le discours politique n'est pas clair. On nous annonce 6 milliards d'euros mais un quart qui va aller au privé. Depuis l'ouverture du Ségur, le politique n'a pas mis un texte clair sur la table sur lequel on discute, on fait des concertations, on ne sait pas très bien ce qui va en sortir. Il n'y a pas de compte-rendu de réunion. Tout ça est très flou.
Nous, on veut qu'on annonce que l'hôpital va être bien financé au cours des prochaines années, et pas qu'on annonce un plan de rigueur comme on a subi depuis dix ans. Les personnels hospitaliers n'en peuvent plus qu'on leur explique qu'ils coûtent trop cher. Ils ont donné beaucoup depuis des années, on l'a vu au moment du Covid que la mobilisation pouvait être fantastique. Il faut qu'ils soient payés à leur juste valeur, les syndicats sont en train de négocier. Il faut que le gouvernement réponde à ça. Il faut aussi que la gouvernance de l'hôpital change. Le directeur de l'hôpital qui décide de tout depuis dix ans, ce n'est plus possible. On a vu au moment du Covid que, quand les décisions viennent des équipes, ça marche très bien. Donc, il faut que tout le monde puisse participer à la gouvernance de l'hôpital. L'hôpital appartient à tout le monde, aux personnels non-médicaux, aux personnels médicaux et aussi aux usagers. Il faut que la gouvernance change et que tout le monde puisse avoir son mot à dire.
On l'a vu pendant la crise du Covid, il y a eu une opinion publique très mobilisée autour des soignants, est-ce que ce soutien existe encore aujourd'hui ?
Il y a 15 jours dans la rue, le soutien de la population était énorme. C'était une manifestation d'hospitaliers et de citoyens. Je pense que si les engagements pris par Emmanuel Macron pendant la crise ne sont pas tenus, ça va lui coûter très cher politiquement. Il y a un attachement important dans ce pays à l'hôpital public, ça fait partie du socle républicain. Si les réponses du gouvernement sont en-dessous des espoirs suscités, les gens vont quitter massivement l'hôpital public et nous on est très inquiets en cas de nouvelle crise sanitaire, je pense que s'il n'y a pas une réponse forte tout de suite, on ne pourra pas faire face et ça sera la responsabilité du politique.
Une nouvelle journée de mobilisation a lieu mardi à l'appel de la CGT, de Force ouvrière, de Sud, du Collectif Inter-Urgences et du Collectif Inter-Hôpitaux auquel vous appartenez. Il y a une unité, mais est-ce que vous avez tous la même priorité au moment de négocier dans ce Ségur de la santé ?
C'est difficile de dire qu'on a une unité complète sur toutes les mesures. Après on est quand même dans une intersyndicale avec les syndicats et les collectifs depuis le début. C'est l'objet 'hôpital public' qu'on veut sauver. Il n'y a pas tellement de discussions sur notre inquiétude et sur le fait qu'on veut dire à la population que c'est pour elle qu'on fait ça. Notre inquiétude, elle vient du problème d'assurer des soins de qualité aujourd'hui à l'hôpital public, avec un accès de tous à des soins de qualité et gratuit. Le collectif inter-hôpitaux n'est pas dans les négociations sur le salaire parce qu'on considère que c'est le rôle des syndicats qui connaissent ça très bien. Ce que j'ai entendu, c'est que pour les docteurs ça faisait en moyenne 3 000 euros par an. La discussion derrière tout ça, c'est : combien doit gagner un médecin dans ce pays qu'il soit dans le public ou dans le privé ? Ce qui fait qu'il y a un tiers de postes de praticiens hospitaliers vacants dans les hôpitaux publics aujourd'hui, c'est le différentiel de salaire entre le public et le privé, dans les deux cas c'est du salaire qui vient de la cotisation sociale et des impôts. Donc, avec les mêmes cotisations, il y a un différentiel de salaire entre le public et le privé qui est difficile à expliquer et qui aujourd'hui fait très mal à l'hôpital public. Il y a une hémorragie des médecins qui vont là où ils gagnent deux fois, trois fois plus.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.