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Médecins remplaçants et salaires plafonnés : "Nous allons vers une ubérisation de la profession"

Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France, a réagi sur franceinfo au plafonnement des salaires des médecins remplaçants dans les hôpitaux. 

Article rédigé par franceinfo - Édité par Thomas Pontillon
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Patrick Pelloux, lors d'une conférence en janvier 2017 à Paris. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, a lancé en novembre des poursuites contre trois responsables du syndicat des médecins remplaçants devant le conseil de l'Ordre. Elle leur reproche d'avoir appelé à boycotter les établissements qui  plafonnent les salaires des médecins remplaçants alors que dans certains hôpitaux, ils sont payés "parfois 2 000 euros par jour" affirme-t-elle. 

"C'est un sujet extrêmement compliqué et vraiment urgent à traiter parce que nous allons vers une sorte d'ubérisation de la fonction de médecin", a expliqué dimanche 18 novembre sur franceinfo Patrick Pelloux, médecin urgentiste et président de l’association des médecins urgentistes de France (AMUF). "C'est un problème que nous signalons depuis une vingtaine d'années. Cela pose des problèmes dans le suivi des malades", a-t-il ajouté.

franceinfo : Comprenez-vous l'attitude des médecins remplaçants qui ont appelé à boycotter les hôpitaux qui plafonnent les salaires lors d'un remplacement de 24h ?

Patrick Pelloux : Cela pose des problèmes pour les structures hospitalières parce que c'est très difficile de faire fonctionner les hôpitaux à l'heure actuelle avec des médecins qui viennent pour ne travailler qu'une journée. Il y a un véritable dumping social, avec des médecins payés deux à trois fois plus cher que les statutaires dans l'établissement. Je ne sais pas si la ministre de la Santé a raison de porter plainte au conseil de l'Ordre car la plainte ne sera pas suivie à mon avis. 


Sans ces remplaçants, certains hôpitaux ne pourraient pas fonctionner ?

Effectivement. Au départ ce sont les hôpitaux dits petits qui sont concernés, mais maintenant on a des remplaçants qui sont recrutés dans les CHU et dans les grandes villes, y compris à Paris. On a un problème sur l'emploi, sur l'avenir des médecins qui travaillent dans les hôpitaux. Si on continue ainsi, on pourrait imaginer, et c'est hélas l'évolution que ça prend, que tous les médecins qui travaillent dans les hôpitaux soient des médecins remplaçants avec une multiplication par X des salaires. Ça pose des questions notamment sur les salaires les plus bas et j'entends déjà ce que vont réclamer les infirmières, les aides-soignants qui sont les salaires les plus bas des hôpitaux.


Que faut-il faire alors ? Faut-il modifier la façon de former les médecins ?

Il y a une vraie interrogation sur la formation des médecins, sur leur apprentissage, sur leur compréhension du monde du travail. Par ailleurs, il n'y a pas de souplesse dans le statut des praticiens hospitaliers, notamment pour permettre aux médecins de travailler sur deux ou trois hôpitaux en même temps, je crois que là il y a une modernisation à avoir. Par exemple en Île-de-France, l'Agence régionale de santé, pour pallier le manque de médecins, essaye de faire une sorte de bourse à l'emploi pour que les médecins aillent renforcer les hôpitaux qui ont un déficit de personnel. Où est la valeur de l'éthique et de la déontologie dans une société qui veut consommer du soin et qui finalement, ne regarde plus le statut de praticien hospitalier comme on le regardait il y a vingt ou trente ans ?

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