Peut-on vraiment survivre à un vol caché dans le train d'atterrissage d'un avion ?
Un adolescent aurait voyagé entre la Californie et Hawaï, caché dans le train d'atterrissage d'un appareil, malgré le froid et le manque d'oxygène. Francetv info a interrogé un expert en physiologie en milieux extrêmes.
Est-ce un miracle ? Le mystère reste entier sur les conditions dans lesquelles un adolescent de 16 ans a voyagé, dimanche 20 avril, entre la Californie et Hawaï. Selon la compagnie Hawaiian Airlines, il aurait passé plus de cinq heures caché dans le train d'atterrissage d'un avion, survivant à une température inférieure à -60°C et au manque d'oxygène dû aux 11 580 mètres d'altitude.
S'il a, a priori, perdu connaissance pendant le trajet, il se serait toutefois réveillé sans aucune aide et serait sorti seul de l'appareil. Il a été retrouvé sur le tarmac une heure après l'atterrissage. Le jeune homme se serait enfui après une dispute avec sa famille.
Pourquoi n'est-il pas mort ? Francetv info a posé la question à Jean-Paul Richalet, professeur de médecine à l'université Paris 13. Pour ce spécialiste de la physiologie en milieux extrêmes, la vie du jeune homme a pu être sauvée par un "état comateux d’hibernation accélérée".
Francetv info : S'il dit vrai sur les conditions de son voyage, comment expliquer que cet adolescent ait pu survivre ?
Jean-Paul Richalet : L'adolescent a été confronté à deux dangers essentiels : le froid et le manque d'oxygène. Selon l'endroit où il était caché, il n'était peut-être pas exposé effectivement à -62°C mais il a forcément dû souffrir d’une hypothermie sévère. On peut résister à des températures très basses (comme en Sibérie, où elles peuvent atteindre -50°C) lorsqu'on est extrêmement protégé, mais apparemment ce n'était pas son cas.
Au-delà du froid, il a surtout dû faire face au manque d'oxygène. Le jeune homme a dû perdre connaissance au bout d'une demi-heure de vol maximum. En réalité, si l'on n'est pas équipé de bouteilles d'oxygène, au-delà de 6 000 ou 7 000 mètres, on tombe dans le coma. Les alpinistes peuvent monter jusqu'à 8 000 mètres de hauteur, mais c'est parce qu'ils s'habituent très progressivement.
Paradoxalement, le froid et l’altitude peuvent avoir un effet opposé. Une température très basse fait tomber le corps en hypothermie. Il consomme alors moins d'énergie, donc moins d’oxygène. On ne peut pas écarter l'hypothèse que le froid ait protégé cet adolescent du manque d’oxygène. Il a pu tomber dans un état comateux d’hibernation accélérée.
C'est le même principe utilisé lors de certaines opérations chirurgicales pour protéger les organes. Mais à l'hôpital, tout est sous contrôle. On pourrait aussi faire un parallèle avec le processus d'hibernation que vont bientôt expérimenter des médecins aux Etats-Unis afin de gagner du temps de vie pour des patients dont les chances de survie sont très faibles.
Connaissez-vous d'autres exemples de survie dans des conditions similaires ?
C’est la première fois que j’entends parler d'une telle expérience. Il y a eu quelques rares histoires similaires où les personnes survivaient mais, de ce que j'en sais, les vols étaient de courte durée et l'altitude était moindre.
Bien sûr, il y a des cas où l'homme est confronté à des situations extrêmes. Un nageur qui plonge dans l'eau glacée au pôle Nord, par exemple, mais seulement pour quelques minutes. Ou alors, un pilote de chasse dont le système d'oxygène tombe en panne alors qu'il se trouve à haute altitude et qui reprend connaissance cinq minutes plus tard lorsqu'il fonctionne à nouveau.
Le cas de notre adolescent pourrait être comparé à celui de personnes qui tombent en hypothermie en montagne ou en mer et attendent les secours pendant longtemps. On a déjà réussi à réchauffer des personnes dont la température du corps était tombée à 17°C. Cela dit, c'est extrêmement rare. Généralement, en-dessous de 25°C, on a très peu de chances de réanimer les personnes. Et si c’est le cas, c’est dans un hôpital, avec de l'oxygène et des moyens techniques pour réchauffer le corps.
Quelles peuvent être les séquelles d'une telle expérience ?
Quand le cerveau manque d’oxygène pendant un certain temps, des cellules meurent. Selon la zone qui a été touchée, on peut souffrir de séquelles motrices, comme la paralysie, ou bien de troubles de la mémoire, etc. A cette température, le corps peut aussi subir des gelures [des brûlures causées par le froid].
Il existe également des séquelles psychologiques que l'on appelle syndrome dépressif post-traumatique. Les personnes qui ont frôlé la mort peuvent en souffrir pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois.
Le plus étonnant dans l'histoire telle qu'elle est rapportée, c’est qu’on ait retrouvé le jeune homme en train de marcher. Il a repris connaissance tout seul. Comme il a aussi été capable de parler, cela signifie qu’il n’a a priori pas eu beaucoup de séquelles. A partir du moment où on est réveillé et réchauffé, c’est qu'on est sorti d’affaire.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.