Burn out : les psychiatres aussi
Les psychiatres sont épuisés ! Selon une étude réalisée sur près de 1.000 psychiatres par la revue Encéphale, 65% d'entre eux se déclarent souvent ou presque tout le temps fatigués. Plus inquiétant encore, un tiers dit ne plus en pouvoir et ne pas savoir combien de temps il va tenir. En cause : une charge de travail excessive, des coupes budgétaires, des mauvaises relations avec les directions d'hôpitaux... Les explications du Dr Stéphane Mouchabac, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris.
- Etes-vous surpris par l'ampleur du burn out des psychiatres ? Souffrent-ils davantage que les autres médecins ?
Dr S. Mouchabac : "Pour savoir si on est plus concerné que les autres, il faudrait comparer et avoir avec la même méthodologie les mêmes questionnaires. Je trouve que c’était important qu’on s’interroge autour de cette problématique. C’est ce qu’a fait le comité de l’Encéphale, qui est une grande revue francophone de psychiatrie. Ces chiffres nous alertent. Si le fusible qui est entre la société et les patients qui sont très nombreux est un petit peu fragilisé, on imagine que ça peut inquiéter la population générale. A savoir que ceux qui sont censés nous aider ne tiennent pas le coup. Heureusement, dans cette étude, on voit que ce n’est pas tant la passion et la culture du métier qui est remis en cause mais plutôt tout ce qui est autour. Dans le burn out, on a le frénétique, celui qui se charge la mule au point de ne plus en pouvoir. Il y a ceux qui font un métier un peu comme Charlie Chaplin dans Les Temps Modernes tellement monotone qu’à un moment donné il y a une rupture de leur fonctionnement. Et puis, il y a ceux qu’on surcharge trop et c’est plutôt cette dimension-là pour les psychiatres."
- Ces dernières semaines, plusieurs établissements psychiatriques ont fait grève pour dénoncer le manque de moyens. Est-ce la principale explication au burn out des psychiatres ?
Dr S. Mouchabac : "Le burn out, il n’y a pas une raison mais plusieurs. C’est aussi un processus qui se fait par étape. C’est plus qu’une maladie, c’est un processus complexe d’adaptation des sujets à l’environnement et à leurs propres objectifs personnels. On peut comprendre que pour certains le fait de mettre beaucoup d’énergie dans leur travail, d’avoir le sentiment de ne pas être écouté, ou de ne pas avoir ce qu’il faut pour faire correctement peut participer au burn out. Mais, je ne pense pas que cela soit la seule des conditions."
- Faut-il reconnaître le burn out comme une maladie professionnelle ?
Dr S. Mouchabac : "Pour nous qui sommes à l’interface des patients, de la société et du travail, on a le sentiment que les causes qui sont objectivées par les patients sont assez réelles. Il ne faut pas confondre cela avec certaines revendications personnelles, des niveaux de fragilité ou de vulnérabilité. On aurait envie de dire c’est plus complexe. Actuellement, les classifications qui permettent de faire les diagnostics ne reconnaissent pas le burn out comme une maladie professionnelle, même pas comme une maladie. C’est tout au plus considéré comme un facteur pouvant aggraver la psychologie d’un individu ou d’une maladie en cours."
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