: Vidéo Médicaments : au cœur d'un inquiétant trafic de Prégabaline, médicament prescrit pour traiter l'épilepsie
A Bordeaux, comme dans d'autres grandes villes de France, la vente de Prégabaline prendrait le pas, selon la police, sur celle des stupéfiants.
Une gélule s'échange contre 2,5 euros
Sur une grande artère, à deux pas du centre historique de la ville, il est très facile de trouver des revendeurs. La boite de 56 gélules de 300 mg est revendue 160 euros, tandis facturée 22 euros en pharmacie. Un commerce illégal, passible de 3 à 5 ans de prison.
Consommée pour ses effets désinhibants et stimulants, la Prégabaline présente pourtant de nombreux effets secondaires, comme l’indique sa notice : somnolence, vertiges, sensation d'ivresse, hypertension artérielle, convulsions, etc…
La Prégabaline obtenue illégalement dans près de la moitié des cas
Ces gélules attireraient ainsi de plus en plus de jeunes consommateurs. Elles seraient obtenues illégalement "dans près de la moitié des cas", selon l’Agence nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) qui dénonce un usage détourné à visée de “défonce/euphorie (...) mais aussi hypnotique". A très forte dose, ce médicament peut être mortel.
Ainsi, face aux abus d’utilisation, le ministère de la Santé a durci les règles de prescription du médicament, l’assimilant à la catégorie des produits stupéfiants. Il faut désormais présenter une ordonnance sécurisée et infalsifiable, pour six mois maximum.
Ordonnances de complaisance
Mais dans le centre-ville de Bordeaux, quelques médecins multiplieraient les prescriptions de Prégabaline face à des patients qui en réclament. Nous avons pu identifier l’un d’eux. Il prévient pourtant, dès l’entrée de son cabinet : “La loi ne m’autorise pas de donner Lyrica ou Prégabaline dans ce cabinet. Veuillez voir un autre médecin”.
Prétextant des migraines que rien ne soulage, je me vois pourtant immédiatement proposer le dit-médicament. Le médecin préconise 600 mg en deux prises par jour. Quatre fois plus, selon la posologie classique, qu’un dosage quotidien limité à 150 mg.
Me voilà donc munie d’une prescription pour un mois, sans justification médicale ni mise en garde devant le risque d’overdose.
Ce n'est pas le médicament qu'on doit retirer mais le médecin à qui l'on doit retirer la possibilité de prescrire.
Un pharmacien à Bordeauxà L'Œil du 20H
Ce pharmacien du quartier, installé non loin de là, en sait quelque chose et refuse désormais de délivrer de la Prégabaline. Par peur des représailles, il souhaite garder l’anonymat et appelle l’Assurance maladie et l’Ordre des médecins à agir :“Les médecins doivent prendre conscience qu'on ne peut pas faire des ordonnances de complaisance et alimenter un réseau de drogue, parce que ces médecins participent de leur plein gré à un réseau de stupéfiants. Ce n'est pas le médicament qu'on doit retirer mais le médecin à qui l'on doit retirer la possibilité de prescrire.”
Contactée, la CPAM de Gironde affirme avoir reçu plus de 50 signalements sur le détournement de Prégabaline en 2021. Elle a récemment alerté le Procureur de la République sur un risque de fraude en « bande organisée » dans un quartier de Bordeaux.
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