Opiacés : des laboratoires accusés de cacher les risques de dépendance
Selon une information de l'AFP, l'Etat américain de l'Ohio a porté plainte, mercredi 31 mai, contre cinq groupes pharmaceutiques.
Il accuse ceux-ci d'avoir dissimulé les risques d'addiction liés à la prise d'antidouleurs à base d'opiacés, au coeur d'une grave crise de santé publique aux Etats-Unis. "Ces producteurs de médicaments ont fait croire (...) que les opiacés n'étaient pas addictifs, que l'addiction était facile à surmonter où qu'elle pouvait être traitée en prenant encore plus d'opiacés", a assuré, dans un communiqué, Mike De Wine, le ministre de la Justice de cet Etat du nord des Etats-Unis.
Sont notamment visés par la plainte les géants américains Johnson & Johnson et Allergan ainsi que l'israélien Teva, spécialiste des génériques, indique le bureau du ministre. L'Ohio veut notamment que ces 5 groupes admettent leur culpabilité et indemnisent l'Etat et les patients.
Selon le communiqué, leurs pratiques "frauduleuses" et leur marketing "trompeur" sur les dangers des antidouleurs ont contribué à "accélérer" la prescription des opiacés et à alimenter la crise qui frappe notamment l'Ohio.
Sur ce seul Etat, 1.155 personnes sont décédées d'overdose de fentanyl, un analgésique opioïde très puissant, en 2015, soit plus du double qu'en 2014, selon les chiffres officiels.
Hausse des prescriptions en France
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe les antidouleurs opiacés en deux catégories : les antalgiques opioïdes de pallier II (codéine, tramadol), indiqués dans le traitement des douleurs modérées à intenses, et les antalgiques opioïdes de palier III (fentanyl, morphine, oxycodone) pour les douleurs intenses.
Initialement, les opioïdes de palier III étaient prescrits soit dans un contexte opératoire, soit en cancérologie ou pour le traitement d’un patient souffrant de douleurs particulièrement aigues. Mais, "ces dernières années, la prescription de ces molécules s’est élargie aux douleurs chroniques non cancéreuses", fait remarquer le Pr Alain Eschalier, professeur de pharmacologie à la faculté de médecine de Clermont-Ferrand. "Dans les pays Anglo-saxons et, dans une moindre mesure en France, cette élargissement des indications thérapeutiques est au cœur de l’augmentation de prescription de ces médicaments", précise-t-il.
Or, ces médicaments ont des effets secondaires plus ou moins marqués pouvant conduire à la dépendance et, dans certaines situations, à l’overdose. "Les personnes souffrant de douleurs intenses peuvent devenir dépendantes aux opiacées, mais il existe également des usages détournés de ces opioïdes [du fait, notamment, d’effets euphorisants qu’ils induisent, NDLR] qui peuvent engendrer une dépendance", souligne le pharmacologue.
Le tramadol sous surveillance
En France, la prescription d’opiacés dits forts, c’est-à-dire de palier III (fentanyl, oxycodone et morphine, notamment) ne peut se faire que par ordonnance sécurisée (cf. encadré), ces médicaments étant classés dans la catégorie des stupéfiants. Aux États-Unis, en revanche, ils sont disponibles sur simple ordonnance, aisément falsifiable, ce qui explique la nette augmentation des overdoses.
Quant aux opiacés de palier II, ils sont prescrits, en France, sur simple ordonnance, ce qui n’est pas sans soulever certains problèmes. En septembre 2016, l’Agence de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) alertait, notamment, sur les risques liés à l’utilisation du tramadol : ce médicament peut entrainer une dépendance, même à dose thérapeutique et parfois pour des traitements de courte durée. Par ailleurs, depuis 2013, une augmentation de son usage détourné a été observée (automédication pour traiter des troubles psychiques, toxicomanie, amélioration des performances professionnelles, dopage en milieu sportif). Selon l’agence, quatre décès liés à un usage abusif de tramadol ont été enregistrés en France, en 2014.
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