Un patient dans le coma depuis quinze ans retrouve des signes de conscience minimale
Une équipe de chercheurs de l’Institut des sciences cognitives - Marc Jeannerod de Bron a mené une expérimentation sur un patient de 35 ans plongé dans le coma depuis quinze ans. Ils lui ont administré pendant un mois des signaux électriques pour stimuler le nerf vague qui à son tour a activé le cortex cérébral. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans la revue Current Biology le 25 septembre.
"Le cerveau du patient était très endommagé après un traumatisme crânien dû à un accident de la route. Il présentait très peu d’activité cérébrale", explique Angela Sirigu, chercheuse à l'Institut des sciences cognitives - Marc Jeannerod. "La comparaison entre avant et après le traitement du nerf vague est vraiment significative, même si nous sommes seulement au commencement de cette recherche. Trois autres patients vont être étudiés à la suite d’un comité d’éthique dans les prochains mois. Nous avons choisi des patients dont le diagnostic est très pessimiste", ajoute-elle.
Pour le professeur Steven Laureys, à la tête du Coma Science Groupe de Liège en Belgique, "cette étude est porteuse d’espoir mais il faut faire attention néanmoins à ne pas donner de faux espoirs car il est encore trop tôt pour généraliser les résultats". Par ailleurs, plusieurs voix dont celle du Prf Bernard Devalois, chef de l'unité des soins palliatifs de Pontoise se sont élevées pour apporter des critiques à cette publication.
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Une technique déjà utilisée pour l'épilepsie
L’équipe de chercheurs a stimulé le nerf vague par un dispositif implanté dans la poitrine du patient. Des impulsions électriques sont envoyées du boîtier vers le nerf vague qui relie le cerveau à d'autres organes majeurs du corps. "La stimulation du nerf vague est déjà utilisée sur des milliers de patients atteints d'épilepsie pharmaco-résistante", précise le Professeur Laureys.
Après un mois de stimulation nerveuse, le patient a montré des améliorations significatives dans l'attention, le mouvement et l'activité cérébrale, selon les chercheurs. Il a commencé à répondre à des demandes simples, telles que suivre un objet avec ses yeux et tourner la tête. Il a également semblé plus alerte et capable de rester éveillé lorsque son thérapeute lui lisait un livre. Il a réagi à des stimuli menaçants - ouvrant les yeux en grand quand un examinateur plaçait soudainement son visage sur le sien - d'une manière qui n'avait pas été observée depuis plusieurs années.
Passage de l'état de réveil non répondant à celui de conscience minimale
Cependant, le traitement ne lui a pas permis de retrouver son état de conscience initial. Pour le professeur Laureys, il s’agit d’un passage de l’état d’éveil non répondant à un état de conscience minimale. "Le patient a les yeux grands ouverts et des mouvements réflexe mais il ne peut pas répondre à la commande", précise-t-il. Des scans cérébraux ont montré des améliorations dans les zones du cerveau impliquées dans le mouvement, la sensation et la conscience de son environnement.
Pour le Dr Hermann, neurologue à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), "cette étude représente un signal très positif car normalement des patients plongés dans un état végétatif depuis des années ne présentent pas de signes de conscience minimale". Cependant, "la stimulation électrique ne fonctionne que chez certains patients et la chirurgie est une méthode invasive qui présente des risques plus élevés", poursuit-il. De plus, l’étude étant réalisée sur un seul patient, il faudra l’étendre à une population plus large pour pouvoir en tirer des conclusions. L’objectif de cette étude est "d’améliorer à terme l’état des patients dans le coma afin qu’ils puissent participer au décision du processus thérapeutique", ajoute le neurologue.
En effet, pour Angela Sirigu, auteure de l’étude, "le but est de redonner aux patients l’emprise de leur vie et de leur destin même si la réalité est négative". Elle ajoute que "la capacité à décider est une des facultés les plus nobles de l’homme". De plus, "si les résultats se confirment, les bénéfices seront encore plus visibles chez les patients déjà en état de conscience minimale", conclut Angela Sirigu.
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