Un nouveau décret fait le lien entre troubles mentaux et terrorisme
Voilà qui risque fort de susciter la polémique. D’après un décret publié ce mardi au Journal officiel, les autorités de l'Etat pourront être prévenues lorsqu'une personne fichée pour "radicalisation terroriste" est hospitalisée sans consentement pour des raisons psychiatriques. Comment ? Par un croisement désormais autorisé du fichier Hopsyweb, qui répertorie l’identité des personnes subissant des "soins psychiatriques sans consentement", et du Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
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Selon le nouveau décret, "les noms, prénoms et dates de naissance" figurant dans le premier pourront être "mis en relation avec les mêmes données" du second. Si l’identité d’une personne apparaît dans les deux fichiers, l’information sera systématiquement transmise au représentant de l’Etat dans le département où la personne aura été admise en soins psychiatriques, c’est-à-dire au préfet, ainsi qu’aux agents placés sous son autorité.
Un dispositif qui "pose question"
Or, en France, la prise en charge pour des soins de santé est censée demeurer confidentielle. De plus, le lien entre santé mentale et radicalisation voire attentats est une question polémique. Le décret s'accompagne d’ailleurs d'un avis de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), l’organisme chargé de s'assurer du bon usage des données personnelles.
Elle y souligne "la différence profonde d'objet entre les deux fichiers en présence, l'un faisant état d'antécédents psychiatriques d'une certaine gravité, l'autre ayant la nature d'un fichier de renseignement". Par conséquent, la mise en relation des deux fichiers "ne peut envisagée qu'avec une vigilance particulière", prévient la Cnil, selon laquelle le dispositif "pose question" du point de vue du secret médical.
Le décret de ce 7 mai en complète un premier, publié le 23 mai 2018, qui autorisait le traitement et la consultation par les autorités des données de Hopsyweb. Ce premier décret avait été dénoncé par des psychiatres et des associations de patients, qui y avaient vu des "amalgames entre maladie psychique et terrorisme".
Des médecins opposés au ministre
L’opposition de vision entre l’exécutif et les professionnels de santé spécialisés en psychiatrie ne date pas d’hier. En août 2017 déjà, alors que le ministre de l'Intérieur de l'époque, Gérard Collomb, avait dit vouloir mobiliser les hôpitaux psychiatriques "pour identifier les profils qui peuvent passer à l'acte" - estimant même publiquement "qu’à peu près un tiers" des personnes signalées pour radicalisation présentaient des "troubles psychologiques"-, nombre de psychiatres s'étaient élevés contre ces propos. Le ministre de l'Intérieur d'alors avait tenu ces propos suite à un attentat survenu à Barcelone.
Le psychiatre David Gourion, de l’hôpital St Anne, avait publié une tribune dans le Monde le 21 août 2017 déclarant que "les psychiatres n’ont pas vocation à collaborer avec le ministère de l’Intérieur", écrivant tout d’abord que "cette idée repose sur une assertion scientifiquement fausse : le lien entre maladie mentale et terrorisme n’est pas avéré".
L'Ordre des médecins avait rappelé "la nécessité absolue de préserver les principes fondamentaux de l'exercice professionnel, en particulier celui du secret médical". En vain, vue l’évolution législative de cette semaine.
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