Un collectif de médecins alerte sur les maladies provoquées par la pollution automobile
La pollution de l’air est, à l’échelle mondiale, un véritable fléau de santé publique. En France, l’air vicié est à la fois responsable d’une augmentation de fréquence de maladies chroniques, mais aussi d’une mortalité dépassant 60 000 décès par an.
Dans une tribune publiée jeudi 27 juin dans le journal "Le Monde", intitulée "Il faut diminuer la pollution automobile", un collectif de médecins et de chercheurs rappelle les multiples dégâts des polluants atmosphériques sur notre organisme. Un texte rédigé en partie en réaction à l’actualité récente politique que le Pr Jocelyne Just, pneumo-allergo-pédiatre, cheffe de service à l’hôpital Trousseau, et première signataire, a voulu "didactique".
"Patrick Ollier, le président de la Métropole du Grand Paris, nous a informés de sa décision de mettre en place des zones à faibles émissions de polluants. Mais si certains maires adhèrent à ces mesures contre la pollution de l’air, d’autres n’y adhèrent pas du tout, contextualise le médecin.
Nous avons pensé qu’il y avait un besoin d’explication, à destination du grand public, sur les conséquences de la pollution atmosphérique sur la santé. Parce que l’information peut être un levier important pour faire accepter des mesures qui sont souvent mal perçues, voire vues comme des punitions. »
L’ensemble de l’organisme contaminé par les polluants
Depuis les années 80, les connaissances scientifiques sur les conséquences de la pollution de l’air sur la santé ont énormément évolué. "Au départ on voyait juste le lien entre les pics de pollution et les maladies respiratoires, explique le Pr Just. Et puis, petit à petit, on s’est intéressés à la pollution de fond : il s’est avéré qu’il n’y avait pas que les poumons qui étaient touchés par les polluants, même s’il en sont sûrement la première cible, mais aussi les vaisseaux, le système nerveux, la croissance des enfants,…Plus on avance, plus on accumule des données scientifiques variées, multiples, et auxquelles on ne s’attendait pas."
De plus en plus fines (pour atteindre quelques fois l’échelle du nanomètre), les particules polluantes passent aisément les barrières de voies respiratoires pour coloniser notre corps entier.
Dysfonctionnement immunitaire et modification du génome
Avec l’avancée de la recherche, le mode d’action des polluants est de mieux en mieux compris. Ils étaient considérés au départ comme de simples irritants, notamment chez les personnes allergiques. Mais les scientifiques ont réalisé que cette vision des choses était trop simpliste. "Nous nous sommes aperçus que le mécanisme était bien plus complexe et que les polluants provoquaient un dysfonctionnement immunitaire."
En cause : un processus inflammatoire au niveau des organes et un appauvrissement de la diversité du microbiote (les bactéries bienveillantes qui colonisent notre peau et nos muqueuses).
Pire encore, les scientifiques ont aussi mis en évidence des mécanismes épigénétiques : les polluants sont à l’origine d’une modification de l’expression des gènes, notamment chez la femme enceinte, avec un risque accru de voir apparaître chez l’enfant à naître des maladies comme l’asthme.
Des maladies diverses et variées
Quels polluants sont les plus dangereux pour notre santé ? Les pollutions particulaires et gazeuses font des ravages. "Il y a plus de publications sur les particules fines, mais l’ozone produit des effets assez équivalents", constate le Pr Just.
Ces différents polluants, capables d’agresser l’organisme de multiples manières, produisent nombre de maladies sévères. "L’exposition chronique est significativement liée à l’apparition de nouveaux cas d’asthme infantile. Selon des études scientifiques plus récentes, chez l’enfant la pollution de fond engendrerait des allergies (eczéma, allergie alimentaire), des maladies auto-immunes (maladies inflammatoires du tube digestif, diabète), des petits poids de naissance, des défauts de croissance pulmonaire», résume le collectif de médecins dans la tribune.
"A cause de la pollution de l’air, on fabrique des enfants avec des maladies chroniques. Elle ne fait pas qu’aggraver des maladies préexistantes, mais les génère. Cela a été prouvé grâce à des suivis de cohorte de nouveau-nés », assure le médecin.
Chez l’adulte ont été rapportés des pathologies cardio-vasculaires, des infections respiratoires, des maladies auto-immunes (sarcoïdose, polyarthrite rhumatoïde, diabète), des cancers, notamment du poumon, des maladies neurodégénératives, des accouchements prématurés.
"Devoir de médecin"
Pour le Pr Just, il y a urgence à parler de ces effets, qu’elle qualifie d’"effrayants".
"J’estime qu’il est de notre devoir, à nous médecins, de témoigner. Il n’est pas sûr que les gens perçoivent le niveau de dangerosité des polluants et soient conscients du fait que les enfants en soient les premières cibles. Et de plus en plus petits, dès la vie intra-utérine."
Le collectif dit "appuyer toutes les mesures qui contribuent à diminuer la pollution automobile, à l’origine d’une grande partie de la pollution des aires urbaines, à l’image de la zone à faibles émissions de la métropole du Grand Paris, qui restreindra progressivement la circulation des véhicules les plus polluants, et des quinze métropoles françaises engagées dans ce processus."
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