L'horloge biologique mise à mal par les nouvelles conditions de travail
Selon l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), initiateur de la Journée du sommeil en France, plus de la moitié des Français ne dorment pas assez, et près d'un tiers déclarent souffrir d'au moins un trouble du sommeil. Alors que 16% d’entre eux souffrent d'insomnie chronique, 73% disent se réveiller au moins une fois par nuit environ 30 minutes et 28% somnoler en journée.
Pour les spécialistes du sommeil interrogés par l’AFP, les rythmes de vie et de travail (dont le travail de nuit et les horaires décalés, mais également le télétravail et les nouvelles technologies) perturbent notre horloge biologique, mettant ainsi en danger notre santé.
Maladies cardio-vasculaires, cancers (en particulier du sein chez la femme), surpoids, diabète... "Les répercussions du manque de sommeil sur la santé sont graves", confirme à l'AFP le professeur Damien Léger, responsable du centre du sommeil et de la vigilance à l'Hôtel Dieu (AP-HP Paris-Descartes).
Performance contre sommeil de qualité
Quel que soit le secteur professionnel, le Pr Léger note que "le temps réservé au sommeil est de plus en plus court et de mauvaise qualité".
De son côté, le Dr Joëlle Adrien, neurobiologiste et présidente de l'INSV, déplore que "la performance [soit] devenue un impératif socio-culturel qui, ajouté au développement des écrans, d'internet et des réseaux sociaux, dérègle totalement l'horloge biologique. On peut être sur le pont à toute heure du jour et de la nuit, sept jours sur sept, avec comme conséquence un manque chronique de sommeil ou une insomnie".
Attention au télétravail et aux nouvelles technologies
Pour éviter de longs trajets, certains salariés choisissent le télétravail. Or, d’après un récent rapport de l'ONU, à trop forte dose, il perturbe également le sommeil. Selon ce document, "42% des salariés qui travaillent en permanence à domicile" et "42% des télétravailleurs très mobiles" ont des problèmes de sommeil, contre "29% pour ceux travaillant sur un lieu de travail". Le rapport note un "allongement" et une "intensification" du travail par chevauchement des temps de travail et personnel.
Autre risque pour l'horloge biologique : les nouvelles technologies qui "ont profondément changé la nature du travail et induisent une fatigue psychique", estime le psychiatre Patrick Légeron, pionnier dans l'étude des maladies liées au stress au travail. Non seulement le travail sur écran induit une "fatigue visuelle forte" mais "la lumière des LEDs stimule la vigilance au même titre que le café" et l'hyperconnexion "charge notre cerveau en permanence par des alertes, du zapping", explique-t-il.
Les enquêtes de l'INSV ont montré que 40% des 18-35 ans dorment avec leur téléphone allumé et que, parmi ceux-ci, 30% (12% au total) répondent à des courries électroniques ou des SMS au milieu de la nuit. "Leur sommeil en est forcément perturbé directement ou indirectement", note le Pr Léger. "Or, pour dormir, il faut faire silence, le vide", insiste-t-il.
Travail de nuit, horaires décalés : les plus délétères
Quant aux six millions de personnes qui travaillent de nuit ou en horaires décalés (qui changent d'une semaine ou d'un jour sur l'autre), ils sont les plus touchés par ces problèmes de sommeil. "Ils dorment en moyenne une à deux heures de moins par 24 heures, une nuit de moins par semaine et 30 à 40 nuits de moins par an que ceux qui travaillent de jour", souligne le Pr Léger, auteur de recommandations adoptées par la Haute autorité de santé (HAS) pour la surveillance de ces travailleurs.
"Lorsqu'ils ne respectent plus l'alternance vitale éveil/jour, sommeil/nuit, les rythmes et organisations de travail perturbent complètement notre sommeil avec un coût social et de santé considérable", ajoute le Dr Adrien.
En 20 ans, la proportion des travailleurs de nuit (15,4%) a plus que doublé et concerne 3,5 millions de personnes, selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
avec AFP
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