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Forte augmentation des infections sexuellement transmissibles : "Cela devient totalement catastrophique"

Le directeur médical de l'Institut Fournier, Jean-Marc Bohbot, évoque un "échec complet" des différentes campagnes de prévention.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Photo d'illustration. (SEBASTIEN JARRY / MAXPPP)

De plus en plus de Français ne pensent pas à "sortir couverts", une expression utilisée dans le cadre de la lutte contre le sida. Résultat, les infections sexuellement transmissibles, les IST, connaissent une hausse importante : pour la bactérie chlamydia, on est passé de 10 000 personnes infectées à près de 270 000 en quatre ans. Pour le gonocoque, comme les blennorragies, les diagnostics ont triplé entre 2012 et 2016.

Jean-Marc Bohbot, médecin infectiologue et directeur médical de l'Institut Fournier, a parlé dimanche 22 juillet sur France Inter d'un "échec complet de nos campagnes de prévention" qui "devient totalement catastrophique". Selon le praticien, la prévention s'est énormément focalisée sur le Sida, à juste titre, mais au détriments d'autres infections qui peuvent pourtant avoir de graves conséquences, comme le papillomavirus, responsable de certains cancers du col de l'utérus, ou la chlamydia, qui peut se traduire par de l'infertilité chez les femmes en cas de traitement tardif.

Est-il temps de tirer la sonnette d'alarme ?

Jean-Marc Bohbot : Malheureusement, cela fait plus de vingt ans que l'on essaie de tirer la sonnette d'alarme. Cela devient totalement catastrophique, on s'aperçoit qu'on est sur un échec complet de nos campagnes de prévention. On ne les entend plus, mais c'est surtout qu'on a beaucoup ciblé sur la prévention vis-à-vis du Sida, ce qui est justifié parce que c'est une infection grave. Malheureusement, pour les autres infections, le message ne peut pas être tout à fait le même et il va falloir qu'on adapte complètement notre message de prévention, si on veut faire baisser ces chiffres. En France, le Sida continue de tuer, mais une infection sexuellement transmissible, comme le papillomavirus, tue deux à trois fois plus de femmes par an que le Sida. On a trois femmes par jour qui meurent de cancer du col de l'utérus à cause du papillomavirus. On a beaucoup ciblé le VIH à juste titre, maintenant il faut adapter notre prévention aux IST.

Lors du premier rapport sexuel, seul 20% des lycéens disent avoir utilisé un préservatif. Chez les étudiants, c'est seulement 48% Le préservatif n'est pas entré dans les mœurs ?

C'est entré dans les mœurs, les gens savent bien qu'il faut utiliser un préservatif. Le problème est qu'ils l'utilisent de manière très épisodique, qu'ils ne l'utilisent pas pour tous les rapports sexuels. Tous les jours en consultation, j'ai des patients qui viennent me voir en disant : "Moi je protège mes rapports sexuels." Mais comment se fait-il que vous ayez une IST ? Est-ce que vous protégez les fellations par exemple ? Non. Alors certes, on n'attrape pas le Sida par les fellations, mais pour toutes les IST, c'est un risque. Il y a d'une part des utilisations très épisodiques du préservatif et d'autre part, ce n'est pas ciblé sur l'ensemble des rapports à risque.

Cette explosion des IST, est-ce parce que nos comportements et nos pratiques sexuels ont changé ?

On peut déjà dire qu'une partie de l'augmentation est due à un meilleur dépistage. On commence à mettre en place des centres de dépistage un peu partout. On détecte davantage. Inéluctablement, on a aussi des comportements à risque qui augmentent. Ce n'est pas l'accumulation des partenaires. Dans la tranche d'âge des 15-24 ans, qui est la tranche d'âge à la plus exposée, ce n'est pas ce que je constate tous les jours. Il n'y a pas multi-partenaires, il y a simplement des partenaires qui changent. Il faut savoir que la prise de sang ne suffit absolument pas à dépister toutes les IST. C'est valable pour le Sida, pour la syphillis et les hépatites. Pour les gonocoques, la chlamydia, le mycoplasma genitalium, un nouveau microbe extrêmement dangereux, aussi fréquent que la chlamydia [dont le traitement n'est toujours pas remboursé par la Sécurité sociale], il n'y a pas de dépistage. En tout cas, ça ne vient pas spontanément à l'esprit des jeunes.

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