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Vidéo Pass sanitaire, cahier de rappel... "Il ne faut pas banaliser ces dispositifs" de déconfinement, affirme la présidente de la CNIL

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Temps de lecture : 7min
Article rédigé par franceinfo
Radio France

Même si le délai pour examiner ces dispositifs a été "trop bref", Marie-Laure Denis se félicite d'avoir été entendue sur deux points essentiels : la durée de vie limitée et la non-transmission des données personnelles.

"Il ne faut pas banaliser ces dispositifs" de déconfinement, comme le pass sanitaire ou le cahier de rappel, alerte sur franceinfo ce mardi, la présidente de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés de France) Marie-Laure Denis. À partir de ce mercredi 9 juin, pour accéder à l'intérieur d'un restaurant, d'un bar ou d'une salle de sports, les clients devront communiquer leurs coordonnées dans un carnet permettant d'être contacté en cas de contamination ou utiliser l'application TousAntiCovid. La commission s'est prononcée en urgence, en huit jours, dans "un délai trop bref", pour éclairer le gouvernement sur ces dispositifs, compte tenu des enjeux en matière de liberté publique.

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franceinfo : La CNIL a eu huit jours seulement pour se prononcer en urgence sur le pass sanitaire, est-ce-que vous avez eu accès à toutes les informations nécessaires pour examiner ce dispositif ?

Marie-Laure Denis : Le collège de la CNIL a eu à cœur, effectivement dans un délai trop bref, d'éclairer autant que possible le gouvernement et le Parlement au moment du débat parlementaire, compte tenu des enjeux en matière de libertés publiques. C'est-à-dire que, certes il faut protéger la santé publique et permettre aux établissements de rouvrir, mais de l'autre côté il y a des atteintes à la liberté d'aller et venir et à la liberté du consentement aux soins. Il ne faut pas banaliser ces dispositifs qui subordonnent l'accès à un lieu à la présentation de données, notamment de données de santé qui sont des données sensibles. Pour le pass sanitaire, il ne faudrait pas qu'après demain, après la crise du Covid, on trouve normal de devoir prouver qu'on est vaccinés contre la grippe, par exemple, pour rentrer dans tel ou tel établissement. Mais la CNIL et son collège ont été très motivés pour demander un certain nombre de garanties qui ont été très largement acceptées pour ce pass sanitaire.

Le Pass sanitaire sera nécessaire pour se rendre à des événements qui rassemblent plus d'un millier de personnes. Dans votre avis, vous demandiez au gouvernement de dire précisément quels seraient les événements concernés. Avez-vous cette liste ?

Cette liste a été publiée ce [mardi] matin dans un décret sur lequel le collège de la CNIL a rendu un avis hier [lundi]. Ça concerne trois grands types de rassemblements : des rassemblements culturels, des festivals, des concerts, des théâtres accueillant plus de 1 000 personnes; des rassemblements sportifs dans des stades ou des manifestations sportives, également dans le domaine économique, avec les salons et les foires d'exposition. Et puis un certain nombre de lieux comme les grands casinos ou les bateaux de croisière, par exemple. Les parcs à thème en font partie aussi.

"Ce qui nous paraît important en tout cas, c'est que ce pass sanitaire n'est pas exigé pour accéder aux lieux de la vie quotidienne."

Marie-Laure Denis, la présidente de la Cnil

à franceinfo

Les commerces, les services publics, vous rendre à votre travail ou dans les restaurants, ce sont des lieux de loisirs auxquels vous pourriez décider, après tout, de ne pas aller. La deuxième chose qui nous satisfait, c'est que la CNIL avait beaucoup insisté sur le fait que ces lieux ne devaient pas remettre en cause des libertés fondamentales qui exigent un certain nombre de rassemblements, la liberté de manifester, la liberté de culte, la liberté politique ou syndicale. Et ces rassemblements, en tout cas de cette nature, sont exclus et le Conseil constitutionnel, d'ailleurs, a souligné cette nécessité. Sur ce point on a été entendus.

La deuxième réserve concernait la durée de vie du pass sanitaire. Vous souhaitiez qu'elle soit limitée dans le temps. La loi a fixé le principe d'une utilisation jusqu'au 30 septembre prochain. Là aussi, est-ce-que les arguments de la CNIL ont été pris en compte ?

Oui, parce que nous avions insisté sur une condition essentielle de l'équilibre de ce dispositif, du curseur qu'il faut poser entre responsabilité individuelle et contrôle social, que les atteintes aux différentes libertés ne peuvent pas se prolonger dans le temps. Ce dispositif inédit qui n'est pas anodin, doit être nécessaire sur une durée limitée. Sur ce pass, il y a des informations qui tiennent à la nature du justificatif sanitaire qui vous permet d'accéder à un lieu. Et puis, il y a des informations qui tiennent à votre identité, c'est-à-dire notamment votre nom, votre prénom, votre date de naissance, pas le numéro de sécurité sociale, pas d'adresse. Ce qui était important pour la CNIL, c'est qu'il y ait le moins de données qui soient accessibles aux personnes qui vont lire votre pass sanitaire.

"Nous avons demandé et nous avons été entendus, qu'il y ait simplement un bouton vert ou un bouton rouge qui indique à la personne qui va contrôler votre pass sanitaire que vous pouvez rentrer ou ne pas rentrer."

Marie-Laure Denis

à franceinfo

Ces informations sont uniquement à la main de l'utilisateur sur votre téléphone, même si elles sont extraites de deux fichiers que la CNIL contrôle activement : le fichier des vaccins que la CNIL a déjà contrôlé trois fois et le fichier des résultats tests que la CNIL a déjà contrôlé dix fois en un an. À savoir également, l'application [TousAntiCovid] n'enregistre pas les lieux où l'on va. Il n'y a pas de géolocalisation, un élément essentiel de la mise en œuvre de cette application numérique, on ne trace pas vos déplacements. 

Autre mesure qui entre en vigueur demain dans les restaurants et les salles de sport, cest le cahier de rappel numérique. Là aussi, ce sera dans l'application tous anti-Covid ou par papier ?

Alors, il ne s'agit pas de données de santé. Il ne s'agit pas de grands rassemblements, mais de donner ses coordonnées pour pouvoir être rappelé, pour pouvoir être alerté. C'est très différent du pass sanitaire. Nous avons insisté sur le fait qu'il devait y avoir une alternative à l'utilisation de Tous antiCovid, un bon vieux cahier de rappel et un stylo parce qu'il y a une personne sur cinq qui n'a pas de smartphone permettant de scanner un code barre. Le collège de la CNIL a également demandé à ce que les personnes fassent très attention à leurs QR codes que ce soit sur papier ou dans la version numérique, qu'elles ne le laissent pas aux yeux de tout le monde. On ne le met pas sur les réseaux sociaux. Le but de ce dispositif, c'est que la Caisse nationale d'assurance maladie ou les caisses d'assurance maladie puissent rappeler les personnes qui ont été cas contact et qui ont besoin d'être averties qu'elles ont été potentiellement en contact avec une personne contaminée.

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