Suspension du vaccin AstraZeneca : "Sur le plan scientifique, l'arrêt ne se justifiait pas, mais sur le plan de la confiance, il fallait en passer par là", estime un médecin
Jérôme Marty, le président de l'Union française pour une médecine libre, regrette en revanche le manque de concertation avec les professionnels à ce sujet.
Après la suspension du vaccin AstreZeneca contre le Covid-19 en France, le docteur Jérôme Marty, médecin généraliste, président de l’UFML (syndicat de l’Union française pour une médecine libre), a jugé lundi 15 mars sur franceinfo que cette décision n'était pas "justifié sur le plan scientifique", mais "sur le plan de la confiance, il fallait en passer par là".
franceinfo : Est-ce qu'il y a des conséquences, déjà, de cette décision de suspendre les vaccinations avec le vaccin AstraZeneca ?
Jérôme Marty : Les conséquences c'est que tout s'arrête pour l'instant. Il y a une grande interrogation de nos patients vis-à-vis de ce vaccin. Il y avait déjà pas mal d'interrogations. Il faut les rassurer, car il y aura davantage d'interrogations. Ce que l'on peut se demander déjà, sur la forme au moins, c'est pourquoi on n'a pas prévenu les médecins avant de prendre cette décision, puisque la décision a été prise alors même qu'un certain nombre de nos confrères vaccinait les patients.
Vous savez, on est abreuvés de mails et de circulaires et des urgents de la direction générale de la santé. On en reçoit plusieurs par jour, parfois, et là on n'a rien reçu. La circulaire, qui correspond à la suspension du vaccin AstraZeneca, a été envoyée plus de trois heures après la décision du président de la République. Il me semble quand même que, le moindre des respects pour les gens qui sont responsables de cette campagne de vaccination qui la portent à bout de bras, était de les prévenir avant de prendre cette décision.
Cette décision, notamment de l'Allemagne, a peut être pris par surprise la France. Les pays européens sont nombreux à suspendre ce vaccin. Est-ce-que vous comprenez cette décision ?
Je la comprends. Là aussi, sur le fond, mais pas sur le plan scientifique. Parce que sur le plan scientifique, nous sommes devant des événements thrombo-emboliques ou troubles de la coagulation qui sont extrêmement rares et dont le lien de causalité n'a pas été défini pour l'instant. Mais par contre, je la comprends sur le plan de la confiance. Il est évident que dès l'instant où on avait quasi un ou deux pays par jour qui suspendaient l'utilisation du vaccin, ça devenait impossible de continuer à vacciner puisque de toute façon, on avait une crise de confiance qui se développait chez nos patients. Donc je crois que la position logique est d'attendre l'Agence européenne du médicament. Avoir les éléments pour pouvoir expliquer à nos patients et reprendre tranquillement cette vaccination.
Est-ce que des médecins se retrouvent avec des vaccins en stock ?
Oui, mais très peu. Parce que la chance que l'on a dans notre malheur, en quelque sorte, c'est que cette décision a été prise la semaine où on était un peu en tension, où on avait le moins de flacons. Donc, on a des flacons, mais on peut les garder, on a des frigos. Les pharmaciens, c'est la même chose. Et puis surtout, on espère être délivrés de ce doute que l'on peut avoir, que l'on ait les éléments scientifiques qui montrent ce que l'on sait déjà. Ce que l'on subodore, c'est qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les événements qui ont été mis en évidence et la vaccination, et que l'on puisse rassurer nos patients et reprendre celle-ci. Sur le plan scientifique, l'arrêt ne se justifiait pas. Ensuite, sur le plan de la confiance, et vous savez que cette vaste campagne a été basée sur deux termes, confiance et transparence, sur le plan la confiance, sans doute, il fallait en passer par là.
Cette décision est prise pour donner confiance aux patients. C'est peut-être l'effet inverse qui va se produire avec cette décision justement, avec ce doute qui va s'installer dans tous les esprits ?
La décision a été mal prise, parce qu'elle est prise de façon extrêmement brutale. Encore une fois, sans concertation. Mais ensuite, si l'on peut avoir une position unitaire européenne, alors là, on pourra justement renouer la confiance. Le drame serait que certains pays reprennent et pas d'autres, et que, chacun joue sa propre partition. Cela poserait un réel problème. Je crois qu'il faut qu'on arrive à jouer l'Europe et qu'on arrive à montrer de façon profondément unitaire qu'il n'y a pas de problème avec ce vaccin et que l'on peut le reprendre.
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