Suspension du vaccin AstraZeneca : "On est au delà du principe de précaution", estime un infectiologue
Les thromboses sont un événement "assez fréquent" quand on vaccine, explique le professeur Jean-Daniel Lelièvre. "Un principe de précaution" s'applique quand "vous n'avez pas une maladie qui est en train de dévaster l'ensemble de la planète".
Le professeur Jean-Daniel Lelièvre, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Henri Mondor à Créteil (AP-HP), spécialiste de la vaccination, expert à la Haute Autorité de Santé et auprès de l’OMS, a jugé vendredi 12 mars sur franceinfo "étonnante" la décision de certains pays de suspendre pour deux semaines le vaccin AstraZeneca. Le Danemark, l’Islande, la Norvège, et maintenant la Thaïlande, ont donc décidé d’arrêter les injections de ce vaccin le temps d'enquêter sur des cas de thrombose, des caillots sanguins constatés chez des personnes qui ont été vaccinées. "Un principe de précaution vous pouvez le mettre en place" quand "vous n'avez pas une maladie qui est en train de dévaster l'ensemble de la planète", a-t-il mis en garde.
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franceinfo : Comment expliquez-vous cette décision de certains pays de suspendre le vaccin AstraZeneca ?
Jean-Daniel Lelièvre : Cette décision est très étonnante. Avec ce vaccin, il y a un bénéfice très clair qui a été démontré en vie réelle pour un risque qui, pour l’instant, n'est pas connu. On a décrit ces phénomènes de thrombose. Pour autant, ils sont très rares et aucun lien avec le vaccin n'a été mis en place. On est au delà du principe de précaution. Il faut savoir que l'incidence de la thrombose en population générale est bien supérieure. On a vu déjà des thromboses avec les autres vaccins. Si vous regardez les publications régulières de l’Agence nationale de sécurité du médicament [ANSM] sur les événements qui sont survenus chez des gens qui ont pu être vaccinés, vous voyez que ces thromboses sont fréquentes et c'est normal puisqu’en population générale, encore une fois, les thromboses sont un événement assez fréquent. Donc ici, on n'a pas de lien clair avec le vaccin.
"Ces événements sont rares et dès lors, arrêter une vaccination qui peut avoir un bénéfice clair et démontré peut poser un véritable problème dans la politique vaccinale d'un pays.
Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Henri Mondor à Créteilà franceinfo
Avec ce vaccin, il y a une sorte de parano ?
Le mot est un petit peu fort, mais il y a une inquiétude, à mon avis, qui est exagérée. Encore une fois, il faut faire attention. Ce n'est pas, à mon sens, un principe de précaution, car un principe de précaution vous pouvez le mettre en place quand vous n'êtes pas dans une urgence, quand vous n'avez pas une maladie qui est en train de dévaster l'ensemble de la planète et des maladies qui conduisent les gens en hospitalisation, qui conduisent les gens à mourir, avec un vaccin qui est efficace, ce qui est le cas à l'heure actuelle. Si vous aviez une vraie inquiétude, un nombre très important de thromboses, beaucoup plus important que ce qui était attendu, je comprends qu'on arrête tout d'un coup, mais là, pour quelques cas, sans lien du tout avec le vaccin, c’est assez étonnant.
Olivier Véran a indiqué que les variants du Covid-19 sont plus contagieux et plus dangereux. Vous faites le même constat ?
Oui, tout à fait. Olivier Véran se base sur les données françaises, mais également des données internationales. Celui qui est le plus fréquent en France et en Europe, c'est clairement le variant anglais. Effectivement, ce variant anglais est plus transmissible. Des études récentes montrent effectivement qu’il est responsable de formes plus sévères. Ce qu'il est important de savoir, c’est que tous les vaccins qui sont disponibles sur le marché, y compris le vaccin AstraZeneca, sont efficaces contre ce variant anglais.
Peut-on chiffrer la mortalité supplémentaire des variants ?
On la chiffre, mais pour l'instant, c'est assez compliqué à déterminer. Mais le risque estimé, c'est une augmentation d'une fois et demi, deux fois les risques de décès. Ce sont les dernières estimations d'une étude qui a été publiée dans une grande revue internationale, le British Medical Journal. C'est énorme, à l'échelon d'une population, à l'échelon individuel, fort heureusement, le risque est faible de décéder de cette maladie. Mais à l'échelon d'une population, évidemment, c'est important. D'où l'importance de ne pas baisser les bras sur la vaccination et de ne pas écarter des vaccins qui sont efficaces pour un risque qui est pour l'instant très hypothétique.
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