Retard du vaccin de Sanofi : "On voit que la France est absente sur la technologie gagnante qu'est l'ARN messager", pointe un économiste de la santé
Selon Frédérik Bizard, le laboratoire français n'a pas choisi la meilleure stratégie en investissant dans les "technologies conventionnelles" au détriment de l'innovation sur le génie génétique et l'ARN messager.
Le laboratoire français Sanofi et le britannique GSK ont annoncé vendredi 22 décembre que leur vaccin anti-Covid-19 ne serait prêt que fin 2021, après des résultats moins bons qu'attendu dans les premiers essais cliniques."On voit que la France est absente sur la technologie gagnante qu'est l'ARN messager", a réagi sur franceinfo l'économiste de la santé Frédéric Bizard, professeur d'économie à l'ESCP Business School. Il a par ailleurs estimé que "le plan de vaccination" prévu par le gouvernement français "est excessivement optimiste".
franceinfo : L'annonce de Sanofi et de GFK vous a-t-elle surpris ?
Frédéric Bizard : Non, ce n'est pas une nouvelle si étonnante que cela. On sait qu'il y a une probabilité d'échec qui est relativement importante. Je crois qu'on a été excessivement optimistes sur une sortie du vaccin au milieu de l'année 2021. C'est aussi la preuve que les stratégies des technologies conventionnelles ne sont pas forcément les meilleures et que ceux qui ont plutôt axé la recherche sur les technologies innovantes, sur le génie génétique, sur l'ARN messager [comme les laboratoires américains Pfizer ou Moderna] sont ceux qui sont arrivés avec le meilleur profil de vaccin et dans les meilleurs délais. Donc là, on voit que la France est absente sur la technologie gagnante qu'est l'ARN messager, en tout cas pour ce vaccin.
Est-ce un coup dur pour Sanofi ?
Il est trop tôt pour le dire. Aujourd'hui, tous les scénarios sont possibles par rapport au vaccin de Sanofi. Déjà, on ne peut pas écarter aujourd'hui que le laboratoire échoue à obtenir des résultats suffisants pour lancer un vaccin.
Il est aussi possible que Sanofi sorte un vaccin à la fin de 2021 qui soit utile pour la deuxième phase de vaccination, c'est-à-dire pour la population générale.
Frédéric Bizardà franceinfo
Même si ce n'est pas aussi efficace que les vaccins à ARN messager, notamment pour protéger des formes graves, à partir du moment où vous pouvez immuniser une majorité de la population, vous allez pouvoir casser les chaînes de contamination. Cela aura donc un rôle très important pour sortir durablement de l'épidémie.
Plus globalement, le calendrier de vaccination prévu par le gouvernement vous paraît-il trop optimiste ?
Il y a un autre principe de réalité qui est la capacité de production. Il faut distinguer les commandes qui ont été passées par centaines de millions de doses et la capacité qu'on va avoir à produire pour 2021 ces vaccins à ARN messager. Car il y a un facteur très limitant, qui sont les matières premières, notamment les trois types d'enzymes utilisées qui ne sont pas disponibles de façon suffisante. Là aussi, je pense qu'on va avoir des désillusions sur le rythme d'approvisionnement des vaccins à ARN messager. Le plan de vaccination du gouvernement est excessivement optimiste, à la fois pour le vaccin Sanofi dont on attendait des doses pour mi-2021, mais aussi pour les vaccins à ARN messager.
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