: Infographies La vaccination a-t-elle déjà un impact sur la pandémie de Covid-19 ?
Nouveaux cas, hospitalisations, décès... Franceinfo a croisé les données relatives à l'épidémie en France pour analyser les effets de la vaccination sur la pandémie.
"Nous sommes dans la quatrième vague." Pour le Premier ministre Jean Castex, l'heure n'est plus au questionnement. Invité du "13 heures" de TF1 mercredi 21 juillet, le chef du gouvernement a souligné la détérioration de la situation sanitaire dans le pays ces derniers jours. Enclenchée dès le début du mois de juillet, la hausse du nombre de cas s'est brutalement accélérée depuis une semaine. La France recensait plus de 21 500 contaminations au 21 juillet, soit une hausse record de +150% en une semaine.
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Pour tenter d'éviter un nouveau confinement, le gouvernement mise sur la vaccination, avec l'obligation vaccinale pour les soignants ainsi que les personnels travaillant auprès d'un public fragile, et la généralisation du pass sanitaire pour accéder à de nombreux lieux de la vie quotidienne. Graphiques à l'appui, franceinfo a tenté de voir si la campagne de vaccination a déjà des effets visibles sur la circulation du virus, que ce soit en France ou dans des pays étrangers.
Pour effectuer cette analyse, le nombre de cas détectés par jour a été mis en corrélation avec le nombre de nouveaux décès quotidiens. Ce premier indicateur a été préféré au nombre d'hospitalisations, car cette donnée n'était pas disponible dans de nombreux pays. Le nombre de décès est aussi un indicateur pertinent car la pandémie a déjà fait au moins 4 millions de morts à travers le monde, et un des objectifs prioritaires de la vaccination est d'éviter les formes graves et donc de sauver des vies.
Les pays vaccinés connaissent une explosion des cas mais pas des décès
Le Royaume-Uni est un pays intéressant, car il est à la fois l'un de ceux où la vaccination y est la plus avancée (53% de la population a été totalement vaccinée au 19 juillet) et l'un de ceux recensant le plus de nouveaux cas quotidiens. Les contaminations sont reparties à la hausse dès la fin du mois de mai. "Les personnes qui sont infectées aujourd'hui sont largement non-vaccinées, car il y a encore près de la moitié de la population qui est susceptible d'attraper le virus", estime le professeur Milou-Daniel Drici, expert à l'Agence européenne des médicaments, interrogé par franceinfo.
Par rapport aux précédentes vagues épidémiques, une différence majeure s'observe actuellement au Royaume-Uni : le nombre de morts reste au plus bas, avec une moyenne de 45 décès quotidiens. A titre de comparaison, ce chiffre était plus de dix fois plus important en janvier dernier, lorsque le pays connaissait le même nombre de cas qu'aujourd'hui. A l'époque, la campagne vaccinale démarrait à peine et moins de 1% de la population était complètement vaccinée.
Au niveau des hospitalisations, les chiffres sont également en hausse au Royaume-Uni depuis la fin du mois de mai. Le nombre d'admissions quotidiennes, descendu à moins de 120 à la mi-mai, est repassé à plus de 600 à la mi-juillet. En revanche, lors de la deuxième vague de l'hiver dernier, à un niveau équivalent de contaminations, plus de 2 200 personnes étaient admises à l'hôpital chaque jour.
Pour Eugenio Valdano, chercheur à l'Inserm, "la vaccination est une hypothèse pour expliquer ce décalage entre les contaminations et les décès, car elle empêche très largement les formes graves de la maladie". Il évoque aussi "le profil plus jeune des personnes infectées, qui font donc moins de formes graves. C'est un phénomène qu'on avait déjà observé l'été dernier, mais là aussi il est possible que la vaccination joue un rôle car les plus âgés sont plus vaccinés".
Le constat du décalage entre le nombre de nouveaux cas et de décès est similaire en Espagne et au Portugal. Ces pays, vaccinés à plus de 45% au 19 juillet, connaissent eux aussi une importante hausse des nouvelles contaminations depuis plusieurs semaines. Et comme au Royaume-Uni, le nombre de décès quotidiens reste très faible : autour de 14 par jour en Espagne et de 7 au Portugal. Là encore, la comparaison avec la vague épidémique de l'hiver dernier est éloquente, puisqu'avec le même nombre de cas mi-janvier, l'Espagne comptait plus de 200 morts quotidiens.
Cette hausse des cas est-elle anecdotique si elle n'entraîne que peu d'hospitalisations et de décès ? "Chaque cas positif est une personne pouvant potentiellement développer un nouveau variant, met en garde Milou-Daniel Drici. Le risque est d'avoir des variants plus contagieux et plus résistants à la vaccination."
Les pays peu vaccinés constatent une hausse de la mortalité
A l'inverse, dans les pays où une grande majorité de la population n'est pas vaccinée, l'explosion du nombre de cas s'accompagne d'une hausse de la mortalité. C'est le cas en Colombie, en Tunisie ou en Namibie. Trois pays qui ont connu des records du nombre de cas mais aussi de décès ces dernières semaines. En Colombie, depuis la fin du mois de mai, le nombre de nouvelles contaminations par jour varie entre 15 000 et 30 000. Sur la même période, le pays recense quotidiennement entre 400 et 700 décès liés au Covid-19. En Namibie, le nombre de morts quotidiens pour un million d'habitants a même dépassé 30. A titre de comparaison, ce chiffre n'a jamais dépassé 15 en France depuis le début de la pandémie.
En plus du lourd bilan humain dans ces pays, Milou-Daniel Drici souligne une fois encore le risque d'y voir émerger de nouveaux variants : "Il y a des mises en garde de l'OMS sur la faible vaccination dans certains pays. L'organisation recommande de réserver les vaccins supplémentaires aux pays peu vaccinés plutôt que d'envisager une troisième dose pour renforcer l'immunité. Car ces pays sont des réservoirs potentiels pour l'émergence de nouveaux variants."
La quatrième vague est trop récente en France pour tirer des conclusions
Qu'en est-il en France ? Avec 42% de la population entièrement vaccinée au 19 juillet, la couverture vaccinale y est un peu moins importante qu'au Royaume-Uni ou dans les pays de la péninsule ibérique, mais elle l'est bien plus que des pays comme la Colombie ou la Tunisie. La hausse des cas dans l'Hexagone a été amorcée au début du mois de juillet, soit plus tard que dans les pays européens précédemment cités. Le recul pour observer la corrélation avec la vaccination est donc moindre dans notre pays.
La hausse du nombre des cas n'a pour l'instant pas de répercussion sur le nombre de décès. La France comptabilise aujourd'hui une moyenne 21 décès quotidiens imputés au Covid-19, un chiffre qui n'a jamais été aussi bas depuis l'été 2020. Les nouvelles hospitalisations, en revanche, sont reparties à la hausse depuis le 12 juillet, mais dans une proportion plus faible que lors des précédentes vagues.
Avec en moyenne 200 nouvelles admissions par jour, cette hausse ne doit malgré tout pas être négligée, selon Eugenio Valdano : "Si le virus était le même que l'année dernière, je pense qu'on peut affirmer que la couverture vaccinale actuelle serait déjà très satisfaisante pour avoir un effet fort sur les hospitalisations, estime le chercheur de l'Inserm. Mais le variant Delta étant beaucoup plus transmissible que la souche originelle, il semble qu'il faille encore vacciner beaucoup."
Cela ne signifie pas pour autant que la vaccination n'a pas d'effet sur la pandémie en France. L'étude menée par le ministère de la Santé sur les cas positifs du 28 juin au 4 juillet soulignait que seules 6% des personnes testées positives étaient totalement vaccinées (un résultat logique puisque les vaccins ne sont pas efficaces à 100%). Ces chiffres sont malgré tout à prendre avec précaution car les personnes vaccinées sont moins enclines à se faire tester, comme nous vous l'expliquions dans cet article.
"Les semaines qui viennent vont être critiques pour déterminer à quoi va ressembler cette quatrième vague, résume Eugenio Valdano, car la reprise des cas est trop récente pour avoir des certitudes." Le chercheur à l'Inserm se montre cependant assez peu optimiste, estimant que "même si le vaccin peut aider à baisser l'impact de la vague, on n'a pas atteint le niveau qui empêcherait les hospitalisations de croître". Une crainte que semble partager le ministre de la Santé, Olivier Véran, qui estimait mercredi 21 juillet à l'Assemblée nationale que "toutes les modélisations sont concordantes : elles prévoient un pic épidémique à la fin de l'été qui viendrait encombrer nos services hospitaliers si rien n'est fait".
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