Covid-19 : "On aurait besoin de vacciner plusieurs centaines de milliers de personnes par jour", affirme l'épidémiologiste Pascal Crépey
Selon l'enseignant-chercheur, les mesures actuelles ne seront pas suffisantes en cas de propagation du nouveau variant du Covid-19 "et nous risquons une troisième vague".
"On aurait besoin de vacciner plusieurs centaines de milliers de personnes par jour pour essayer d'avoir le plus rapidement possible un impact fort sur cette épidémie", estime jeudi 7 janvier sur franceinfo Pascal Crépey, enseignant-chercheur en épidémiologie à l'Ecole des hautes études en santé publique, alors que le Premier ministre, Jean Castex, prend la parole à 18 heures pour répondre, notamment, aux nombreuses polémiques sur la stratégie vaccinale contre le Covid-19.
franceinfo : Va-t-on assez vite sur la vaccination, et que peut-on espérer ?
Pascal Crépey : On ne va jamais assez vite. On aurait besoin de vacciner plusieurs centaines de milliers de personnes par jour pour essayer d'avoir le plus rapidement possible un impact fort sur cette épidémie. Il y a donc encore des efforts à faire. Il faut espérer que tout cela soit en bonne voie, que seul le démarrage soit lent, mais qu'en vitesse de croisière le système de vaccination fonctionne. Ensuite, il y a plusieurs paramètres qui entrent en compte : est-ce que le vaccin a un effet sur la transmission du virus ? Si ce n'est pas le cas, si les personnes vaccinées peuvent quand même être porteuses du virus et le transmettre, alors il faut oublier tous les concepts d'immunité de groupe et des 60 à 70% de la population à vacciner.
Un deuxième élément est un peu inquiétant : l'arrivée de ce nouveau variant anglais, qui a un nombre de reproduction plus élevé que celui que l'on connaît actuellement, et qui signifierait que le seuil d'immunité grégaire [ou immunité collective] ne soit pas à 60, 70% mais plutôt autour de 80%, afin de vraiment calmer l'épidémie. Le dernier élément est peut-être un peu plus rassurant : si l'on garde un certain nombre de mesures de distanciation physique, de port du masque, on réduit ce nombre de reproduction, autour de 1,5, 2. On n'a alors pas besoin d'avoir ces niveaux très élevés de taux de couverture, on peut se satisfaire de 30, 40, 50% de la population vaccinée pour garder le contrôle sur l'épidémie.
Les variants récemment détectés au Royaume-Uni et en Afrique du Sud vous inquiètent-t-il ?
Malheureusement oui, parce qu'étant donné la proximité de la source du variant anglais, on a perdu la bataille consistant à éviter qu'il arrive sur notre territoire, et ce avant même de l'avoir menée.
"Ce variant circule déjà à très bas bruit, de façon quasi invisible. On le repère sporadiquement, mais il circule très certainement déjà parmi nous."
Pascal Crépeyà franceinfo
Le fait qu'il soit en mesure de se propager beaucoup plus rapidement fait qu'il risque de provoquer un rebond de l'épidémie tel qu'on le voit au Royaume-Uni. Ca veut dire que les mesures que l'on met en place aujourd'hui, que l'on subit aujourd'hui pour contrôler l'épidémie, risquent de devoir être encore plus importantes. Nos efforts vont devoir être encore plus importants pour stabiliser la circulation de ce nouveau variant, lorsqu'il circulera de façon beaucoup plus large sur le territoire.
Les mesures actuelles ne fonctionnent-elles qu'avec le coronavirus que l'on connaît, ou seront-elles suffisantes avec les nouveaux variants ?
À l'heure actuelle, même si l'on voit une légère augmentation de l'incidence ces derniers jours, on est quand même sur une phase de plateau, avec un nombre de reproduction autour de 1. C'est le variant actuel, et pas le variant anglais ou sud-africain, qui circule. Lorsque le variant anglais sera en grande proportion celui qui circulera sur le territoire, cela signifiera que les mesures actuelles ne seront pas suffisantes, et nous risquons une troisième vague ou un rebond épidémique très importants, qui nous contraindront à mettre en place des mesures encore plus contraignantes.
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