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"Ségur de la santé" : les cinq chantiers qui attendent le gouvernement pour apporter des réponses à l'hôpital

Hausse des salaires, temps de travail, gouvernance des hĂ´pitaux… Le ministre de la SantĂ© a promis que des mesures fortes seraient prises pour amĂ©liorer les conditions de travail des soignants et la prise en charge des malades.

Article rédigé par franceinfo
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Une manifestation de soignants, le 21 mai 2020, devant l'hĂ´pital Robert-DebrĂ©, Ă  Paris. (SAMUEL BOIVIN / NURPHOTO)

Sous pression après la crise du coronavirus, le gouvernement va tenter d'apporter des rĂ©ponses Ă  l'hĂ´pital avec le coup d'envoi, lundi 25 mai, du "SĂ©gur de la santĂ©", du nom de l'avenue oĂą se situe l'une des entrĂ©es du ministère de la SantĂ©. Au cours des sept semaines de concertation, le gouvernement doit lancer plusieurs chantiers afin d'amĂ©liorer la prise en charge des malades et les conditions de travail des soignants. Les discussions seront coordonnĂ©es par l'ex-secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la CFDT Nicole Notat. Certaines des mesures retenues pourraient figurer dans le prochain budget de la SĂ©curitĂ© sociale. 

Revalorisation des carrières, Ă©gal accès aux soins pour tous, rattrapage pour la psychiatrie, rĂ©forme de l'assurance maladie, refonte des Ă©tudes de mĂ©decine... Ces propositions sont publiĂ©es dans un manifeste signĂ© par des personnalitĂ©s en première ligne dans la dĂ©fense de l'hĂ´pital public et relayĂ© par LibĂ©ration (article abonnĂ©s). Il s'accompagne d'une lettre ouverte Ă  Emmanuel Macron, rappelant l'inquiĂ©tude exprimĂ©e de longue date "quant Ă  l'Ă©volution extrĂŞmement prĂ©occupante du système de santĂ©... sans rĂ©ponse Ă  la hauteur des problèmes soulevĂ©s".

Le nom de "SĂ©gur" a Ă©tĂ© choisi sur le modèle du fameux "Grenelle", devenu synonyme de grande concertation depuis les nĂ©gociations menĂ©es en Mai-68 au ministère du Travail. En attendant de savoir si le "SĂ©gur de la santĂ©" connaĂ®tra le mĂŞme passage Ă  la postĂ©ritĂ©, voici un tour d'horizon des prioritĂ©s qui attendent le gouvernement.

Augmenter les salaires

"C'est l'urgence", estime dans le JDD le prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration hospitalière de France (FHF), FrĂ©dĂ©ric Valletoux. "Le gouvernement doit se montrer Ă  la hauteur de ce que les hospitaliers ont donnĂ©" pour faire face Ă  la crise sanitaire du Covid-19, estime-t-il. "Il faut donner une reconnaissance aux infirmiers, aides-soignants, agents d'entretien, en leur offrant une rĂ©munĂ©ration plus dĂ©cente, dès le dĂ©but de carrière. Celle-ci doit ĂŞtre Ă  la hauteur de leur utilitĂ© sociale."

Le vrai hommage aux soignants, ce serait de ne pas se moquer d'eux avec des promesses non tenues.

Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France

au "JDD"

InterpellĂ© lors d'une visite Ă  l'hĂ´pital, Emmanuel Macron a promis de "mettre fin" Ă  la "paupĂ©risation" des soignants, en engageant une hausse des rĂ©munĂ©rations, parallèlement aux primes annoncĂ©es face Ă  la crise du Covid-19. Ce geste est attendu depuis des annĂ©es par les syndicats, qui pointent la faiblesse des salaires hospitaliers, notamment pour les infirmiers : ces derniers touchent 1 500 euros net en dĂ©but de carrière, soit l'un des niveaux les plus faibles des pays de l'OCDE.

S'agissant des infirmiers, l'objectif est d'atteindre un "niveau de rĂ©munĂ©ration" Ă©quivalent "Ă  la moyenne europĂ©enne", a assurĂ© le ministre de la SantĂ©, Olivier VĂ©ran, en prĂ©cisant que les augmentations toucheraient Ă  la fois les hĂ´pitaux et les Ehpad. Selon les syndicats, le diffĂ©rentiel est d'environ 300 euros par mois. Ces derniers mettent toutefois en garde contre une mesure limitĂ©e aux seuls infirmiers. "Il faut un geste rapide pour l'ensemble des personnels hospitaliers", a prĂ©venu Julie Ferrua, de SUD SantĂ©. "On va attendre de voir si le gouvernement tient ses engagements", a averti Asdine Aissiou, dĂ©lĂ©guĂ© CGT Ă  la PitiĂ©-SalpĂŞtrière. Sinon, "dans la rue, il n'y aura pas que des blouses blanches, mais tous ceux qui Ă©taient sur les balcons", assure-t-elle.

RĂ©organiser le temps de travail

Olivier Véran a dit vouloir "revoir le cadre d'organisation du temps de travail à l'hôpital", estimant nécessaire de remettre en cause les "carcans qui empêchent ceux qui le souhaitent de travailler davantage". Cette annonce a fait bondir plusieurs syndicats, attachés aux 35 heures, qui rappellent que de nombreux salariés n'ont jamais pu accéder à la réduction du temps de travail, faute d'embauches suffisantes dans les hôpitaux. "On n’a jamais demandé d’assouplissement des 35 heures. Au contraire, on risque de perdre les heures supplémentaires, qui sont mieux rémunérées", estime dans La Dépêche du Midi Julie Ferrua, de SUD Santé.

La question n'est pas de "dĂ©rĂ©glementer le temps de travail", a toutefois prĂ©cisĂ© le ministre de la SantĂ©, disant vouloir simplement permettre "aux salariĂ©s qui le souhaitent" d'organiser "leur temps de travail diffĂ©remment". Cette rĂ©forme correspond Ă  une demande de longue date de la FĂ©dĂ©ration hospitalière de France (FHF), qui prĂ©conise un "dispositif d'autonomie avancĂ©e" pour les hĂ´pitaux, lesquels ont Ă©tĂ© dĂ©sorganisĂ©s, selon elle, par la rĂ©forme des 35 heures. "Il est nĂ©cessaire de pouvoir sortir du carcan national pour introduire des dĂ©rogations aux 35 heures dans le respect du dialogue social", estime ainsi FrĂ©dĂ©ric Valletoux, prĂ©sident de la FHF, dans le JDD.

Gérer les carrières et les effectifs

L'exĂ©cutif a promis de mettre sur la table des discussions la "question des montĂ©es en compĂ©tences", pour "mieux valoriser toutes les carrières, tous les mĂ©tiers et dĂ©velopper de nouveaux parcours professionnels". L'objectif est de renforcer l'attractivitĂ© des hĂ´pitaux, qui peinent pour beaucoup Ă  recruter et Ă  fidĂ©liser leurs salariĂ©s – en raison des conditions de travail mais aussi, selon les syndicats, d'une gestion inadaptĂ©e des ressources humaines. Selon FrĂ©dĂ©ric Valletoux, il faut d'abord "rĂ©duire les Ă©carts de rĂ©munĂ©rations entre public et privĂ©, qui affaiblissent les hĂ´pitaux".

Le premier désert médical de France, c'est l'hôpital : près de 30% de postes y sont non pourvus.

Frédéric Valletoux

au JDD

Chez les infirmiers, "30% des nouveaux diplĂ´mĂ©s abandonnent la profession dans les cinq ans", souligne Ă©galement Thierry Amouroux, porte-parole du SNPI. Dans les hĂ´pitaux, des milliers de postes restent par ailleurs vacants. Cette situation oblige les hĂ´pitaux Ă  fermer des lits ou Ă  embaucher des intĂ©rimaires. Ce choix est souvent coĂ»teux, car les intĂ©rimaires profitent souvent de la pĂ©nurie pour exiger des rĂ©munĂ©rations supĂ©rieures aux grilles salariales. 

Mieux organiser les soins

"Le pire serait un retour à une gestion technocratique et économique au détriment des besoins réels des patients", prévient Frédéric Valletoux."Notre système de santé n'est pas encore assez centré sur le patient, sur son parcours. Il n'est pas assez performant non plus dans son pilotage", abonde Olivier Véran, qui dit vouloir améliorer sa gouvernance. Le gouvernement n'a pas précisé les réformes concrètes qu'il entendait mettre en œuvre. Mais il a promis de combattre la "suradministration", en donnant plus de poids aux "médecins".

L'exécutif pourrait ainsi réformer un peu plus la tarification à l'activité (T2A), instaurée en 2003. Ce système, qui fixe les ressources des hôpitaux en fonction des actes effectués, est souvent accusé de pousser à la "course au volume". Il pourrait aussi mettre un coup d'arrêt aux fermetures de lits, très critiquées par les hospitaliers : en l'espace de vingt ans, près de 100 000 lits ont en effet été supprimés dans les cliniques et les hôpitaux.

Gérer la dette et les investissements

Fin mars, Emmanuel Macron avait promis "un plan massif d'investissement" Ă  l'issue de la crise. Ce plan, destinĂ© notamment Ă  renouveler le matĂ©riel, concernera Ă  la fois les hĂ´pitaux et les Ehpad, a prĂ©cisĂ© Olivier VĂ©ran, sans indiquer le montant de l'enveloppe allouĂ©e. La FĂ©dĂ©ration hospitalière de France rĂ©clame pour sa part d'augmenter l'investissement dans les hĂ´pitaux de "deux milliards par an".

La question de la dette des hĂ´pitaux, aujourd'hui proche de 30 milliards d'euros, pourrait Ă©galement revenir sur la table. Elle fait dĂ©jĂ  l'objet de multiples discussions entre l'exĂ©cutif et les fĂ©dĂ©rations hospitalières. Dans le cadre du "plan hĂ´pital" dĂ©cidĂ© Ă  l'automne 2019, le gouvernement avait annoncĂ© une reprise de dettes "massive" de 10 milliards d'euros sur trois ans. Lors du Conseil des ministres mercredi dernier, Olivier VĂ©ran a Ă©voquĂ© un "effort de 13 milliards d'euros".

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