Résultats sur le coronavirus, vols de stocks, interdiction : trois fausses informations concernant la chloroquine
Une publication virale dénonce l’interdiction de la chloroquine par Agnès Buzyn, alors que l'efficacité du traitement du coronavirus grâce à cet antipaludisme aurait été prouvée.
La publication a été partagée plus de 19 000 fois sur Facebook depuis samedi, elle dit vouloir sensibiliser sur l'usage de la chloroquine pour guérir du coronavirus. La chloroquine est un traitement utilisé contre le paludisme, mis en avant comme remède potentiel au nouveau coronavirus, dans une étude du docteur Raoult, infectiologue à Marseille.
Dans la publication, son auteur évoque un vol de chloroquine. Le texte indique également qu’Agnès Buzin, alors ministre de la Santé, aurait interdit la chloroquine en janvier 2020, et que des vols inquiétants des stocks de ce médicament auraient été signalés. Il affirme aussi que "sur 24 patients infectés par le coronavirus à Marseille, trois quarts d'entres eux n'étaient plus porteurs du virus", après avoir pris de la chloroquine. Tout cela est faux. La cellule du Vrai du faux vous explique.
Non, une étude ne montre pas que les "trois quarts des patients" n'étaient plus porteurs
D'après Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection de Marseille, la chloroquine serait un remède efficace pour les malades du Covid-19. L’infectiologue a réalisé un essai clinique sur 26 patients et non 24 comme l'affirme la publication. Mais, six patients ne sont pas allés au bout du traitement et un est décédé. Il s'agit de 75% des personnes qui ont été au bout du traitement. A ce stade, il n'est pas possible d'affirmer que la chloroquine permettrait de guérir 75% des personnes atteintes par le coronavirus.
Dans ce document, les experts de la Société de réanimation française (SRF) indiquent qu'il n'existe pour l’instant aucun consensus scientifique sur l’utilisation de la chloroquine. Sur la plateforme collaborative internationale Pubpeer, de nombreux chercheurs demandent des précisions aux auteurs de l'étude en raison de "résultats fragiles" et "d’un design expérimental exceptionnellement pauvre". D’autres reprochent l’absence d'évaluation des effets sur l'état clinique des patients. Un des objectifs de l'étude était d'évaluer l’efficacité du traitement en termes de "fièvre, de normalisation du rythme respiratoire, sur la durée moyenne d’hospitalisation et sur la mortalité". Des scientifiques appellent à la prudence face à l’emballement médiatique pour ce médicament. Certaines pharmacies craignent pour leurs stocks face à la tentation de l'auto-médication, privant les patients habituels du traitement.
Non, des stocks de chloroquine n’ont pas été volés dans un hôpital
Cette même publication Facebook fait aussi mention de stocks de chloroquine qui auraient été volés à l’hôpital de Garches. Le professeur Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches, a indiqué que les stocks avait été pillés dans cet entretien sur LCI, repris comme s’il dénonçait un vol. Le médecin a indiqué par la suite à Checknews avoir voulu faire état de l’absence de stocks dans les pharmacies centrales de l’AP-HP.
Pour faire face à cette pénurie de chloroquine, l’AP-HP indique que de nouvelles règles de distribution sont mises en place : "A partir de ce dimanche, ces médicaments continuent d’être délivrés aux patients qui le prennent habituellement dans le cadre de pathologies chroniques. Dans le cadre du Covid-19, ils seront délivrés uniquement dans le cadre d’essais thérapeutiques encadrés et destinés à tester son efficacité." La prescription de la chloroquine et de ses dérivés est en effet encadrée.
Non, Agnès Buzyn n’a pas interdit la chloroquine avant l'épidémie de coronavirus
Dans cette publication, son auteur s’interroge sur l’interdiction de la chloroquine en vente libre par arrêté qui aurait été décidée par Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé. Pourtant, l’usage de la chloroquine n’est pas interdit. L’hydroxychloroquine, un dérivé de la chloroquine, a bien fait l’objet d’un arrêté en janvier 2020, mais pour être placé sur la liste II des substances "vénéneuses". La chloroquine, de la même famille, est classée sur cette liste depuis 1999 "sous forme injectable" ou "sous forme orale". La liste II des substances vénéneuses permet d’encadrer la prescription des médicaments dont "les effets indésirables nécessitent une surveillance médicale". Cela n'empêche pas sa prescription précise par ordonnance, à un dosage non nocif.
Cette nouvelle classification n'a pas été décidée par Agnès Buzyn. Il s'agit de l'application d'une demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) validée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) en novembre 2019.
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