Pourquoi les tests antigéniques ne vont pas sauver Noël
L'Assurance-maladie recommande prioritairement ces tests pour les personnes présentant des symptômes du Covid-19. Chez les asymptomatiques, leur fiabilité est "faible", affirme la présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
Avec la fin de la limitation des déplacements à partir du 15 décembre, beaucoup de Français ont envie de retrouver leurs familles sans pour autant que "papi et mamie mangent dans la cuisine", comme l'a pourtant préconisé Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement de l'AP-HP, sur franceinfo.
Il sera peut-être tentant pour certains de compter sur un dépistage familial massif pour que le réveillon de Noël ne se transforme pas en cluster. Les tests antigéniques, accessibles en pharmacie et remboursés par l’Assurance-maladie, apparaissent comme la solution idéale pour se faire tester rapidement et rejoindre ses grands-parents sans craintes. Mais ils présentent quelques inconvénients, à commencer par un, majeur : leur fiabilité.
Des tests rapides et gratuits
Ces tests antigéniques offrent un avantage de taille par rapport aux tests RT-PCR, pour lesquels ils faut attendre plusieurs jours avant d'avoir les résultats : ils indiquent en 15 à 30 minutes si le test est positif ou négatif au Covid-19, puisqu'ils ne requièrent pas d'analyses en laboratoire.
Ils peuvent être effectués chez un médecin, dans un cabinet d’infirmiers mais aussi, depuis quelques semaines, dans les pharmacies. Face à la résurgence de l'épidémie, le ministère de la Santé a autorisé les officines à procéder à ces tests rapides afin de soulager les laboratoires. "Face au risque de disponibilité insuffisante des professionnels de santé habilités à réaliser les tests, la pratique des tests antigéniques a été ouverte aux pharmaciens et aux préparateurs en pharmacie. Des étudiants en pharmacie peuvent éventuellement renforcer leurs équipes", note le gouvernement sur son site.
Comme pour les RT-PCR, le test antigénique est un test nasopharyngé dont le résultat apparaît sur une petite bandelette, qui ressemble à un test de grossesse. Au total, sur la première quinzaine de novembre, environ "150 000 tests" de ce type ont été réalisés, a indiqué sur franceinfo Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
"Un cas sur trois de faux négatifs"
Mais ces tests comportent un bémol de taille : ils sont moins sensibles que les RT-PCR, "qui restent la technique de référence pour la détection de l’infection à la Covid-19", précise l'Assurance-maladie. "Les tests antigéniques se sont améliorés. Mais pour que ça marche, il faut qu’il y ait beaucoup de virus présent", explique ainsi l’épidémiologiste Karine Lacombe dans Ouest-France. Ces tests sont donc principalement utiles pour repérer les charges virales les plus élevées et sont donc préconisés en priorité pour les "personnes symptomatiques (...) dans un délai inférieur ou égal à quatre jours après l’apparition des symptômes".
Ils peuvent également être réalisés chez les personnes asymptomatiques si elles sont "cas contacts ou détectées au sein d’un cluster", indique l'Assurance-maladie. Mais chez elles, le risque de faux négatif est très élevé. Si les résultats positifs sont globalement fiables, "au-delà de 80%", selon Carine Wolf-Thal,"la faiblesse de ce test, c'est sur les résultats négatifs parce que, effectivement, ça ne garantit pas, malgré un résultat négatif, que l'on n'est pas porteur du Covid à cause de la plus faible fiabilité de ces tests", affirme la présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
"Très rapidement, on peut effectivement tomber à 1 cas sur 3 de faux négatifs."
Carine Wolf-Thalà franceinfo
"Le risque qu’une personne identifiée comme négative soit effectivement porteuse du virus pourrait aller jusqu’à une personne sur trois", a confirmé la section de biologie médicale de l’Ordre national des pharmaciens dans un communiqué. Elle affirme que "tout test réalisé en dehors du cadre strictement défini peut rassurer à tort un patient infecté par le virus Sars-CoV-2, avec un risque associé de contamination de l’entourage".
Par ailleurs, la période d'incubation du virus dure en moyenne trois à cinq jours selon le gouvernement, mais peut aller jusqu'à 14 jours : pendant cette période, le test peut donc être négatif et le porteur du virus est potentiellement contaminant, quelle que soit la charge virale dont il est porteur.
Toutes les pharmacies ne peuvent pas les proposer
Il faut aussi noter que toutes les pharmacies ne peuvent pas réaliser ces tests, qui ne sont donc disponibles que dans les officines remplissant toutes les conditions. Elles doivent avant tout disposer d'un local séparé de l'espace de vente, pour éviter les risques de contamination. Dans une pharmacie de Caen (Calvados), où s'est rendu France Bleu, le premier étage a entièrement été repensé. "Nous avons réaménagé notre service orthopédie, nous avons déménagé notre salle de pause. Il a fallu faire de la place pour obtenir cette pièce assez grande, aérée et facile à ventiler", détaille la responsable.
Les pharmacies ne disposant pas d'un lieu séparé peuvent mettre en place des tentes à l’extérieur. Mais encore faut-il avoir le personnel suffisant. Les pharmaciens volontaires doivent avoir suivi une formation obligatoire pour réaliser les tests, qui ne doivent être manipulés que dans certaines conditions strictes, à commencer par une température comprise entre "15 et 30 °C", explique un infirmier libéral d'Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) au Parisien.
Si les professionnels de santé redoublent d'efforts à l'approche des fêtes pour pouvoir proposer des tests à un maximum de personnes, certains craignent une très forte affluence à quelques jours de Noël. "Certains [clients] nous disent qu’ils voudront passer un test le 24 décembre. Mais ici, c’est sans rendez-vous. On va sans doute se rapprocher de l’ARS pour savoir comment on va s’organiser pour Noël", prévoit déjà la gérante de la pharmacie de Caen.
Respecter les gestes barrières, quel que soit le résultat du test
"Pour tous, si le résultat du test est négatif, le médecin devra recommander à son patient de continuer à observer rigoureusement les gestes barrières", assure l'Assurance-maladie. Compliqué lorsqu'il s'agit de se réunir à table en famille... "On peut nettoyer les poignées de portes, se laver les mains, aérer les pièces, porter le masque quand on se rapproche des gens fragiles", détaille Luc Duquesnel, président du syndicat Les Généralistes-CSMF à 20 Minutes. "Faire plusieurs célébrations sera beaucoup plus sûr qu’avoir un test antigénique négatif", assure-t-il.
Conformément aux directives d'Emmanuel Macron, l'infectiologue Christian Rabaud assure à Lorraine Actu qu’il vaut mieux être six à table "et pas 40". Un Noël en petit comité, sans grande réunion de famille, est sans doute "l’option la plus sûre", a également estimé lundi l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.