Plan de soutien au secteur aéronautique : les "milliards coulent à flots" et "on obère l’avenir", met en garde un économiste
Loïc Tribot La Spière alerte sur les compagnies aériennes qui sont déjà "en surcapacité", avec de nombreux avions qui restent sur le tarmac.
"Les milliards coulent à flots (…) On décide désormais de s’endetter et d’obérer l’avenir", a mis en garde Loïc Tribot La Spière, délégué général du Centre d’études et de prospectives stratégiques (Ceps), économiste spécialiste du secteur de l’aéronautique, invité de franceinfo mardi 9 juin. Le gouvernement a annoncé un plan de soutien massif de 15 milliards d’euros au secteur de l’aéronautique, durement touché par la crise du coronavirus.
franceinfo : Le plan annoncé est-il à la hauteur, selon vous ?
Loïc Tribot La Spière : Je mettrais un bémol, c'est que la France n'avait pas d'argent. Souvenez-vous l’affaire des "gilets jaunes". Maintenant, les milliards coulent à flots. On trouve des milliards et des milliards d’euros. Je pense que le grand enseignement de tous ces plans de relance, c'est qu'on va investir par l'endettement. On décide désormais de s'endetter et d’obérer l'avenir.
Cet argent est donc mal utilisé, selon vous ?
Ce qui a été annoncé, notamment sur le soutien à la recherche, éviter que les talents puissent partir, ce 1,7 milliard d'euros pour le Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile), c'est une excellente nouvelle. Mais j'en reviens à ce qui est essentiel : la construction aéronautique. Dans la construction aéronautique, il faut prendre en compte que rien ne se fera sans le développement du transport aérien. Or, les compagnies aériennes étaient déjà dans un état économique qui n'était pas très brillant. Ce qui s'est passé le 11 septembre a été un accentuateur de tendance. Le phénomène Covid a également été un accentuateur de tendance : le modèle économique de l'aérien n'est pas pérenne. Il faut le souligner et le dire. Toutes les compagnies aériennes sont extrêmement touchées.
Que faut-il faire, selon vous ? Revoir complètement le modèle et ne pas se dire "Prions pour que tout le monde ait envie de remonter dans des avions" ?
Bien sûr, il faut redéfinir le modèle. Regardez le contexte économique : vous allez avoir un certain nombre de personnes qui vont rester sur le carreau ou qui seront au chômage partiel, l'activité de transport aérien va reprendre petit à petit. Regardez tous ces avions qui restent sur le tarmac à l’heure actuelle, il faudra bien savoir ce que l'on en fait. On va avoir un phénomène d'engorgement : le transport aérien va mettre du temps à redécoller et il y a une surcapacité au niveau des compagnies aériennes qui ont trop d'avions.
Que pensez-vous de ce fonds d'investissement doté de 500 millions d'euros qui va être créé dès cet été pour aider les PME en situation de fragilité ?
Ce qui est intéressant, c’est que l'État va mettre 200 millions d’euros et les industriels 200 millions également. Ces industriels, ce sont les entreprises comme Airbus, Safran, Thalès, Dassault dans lesquelles vous retrouvez déjà au capital l'État français. Ces entreprises reçoivent énormément de l'État. Donc, vous avez l'État actionnaire et vous avez l'État acheteur. Ce plan de relance, c'est un retour massif de l'État, afin de remédier à cette crise sans commune mesure. Ce qui veut dire qu’une économie totalement libérale n'a plus tout à fait sa ligne de direction dans les années qui viennent.
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