Cet article date de plus de deux ans.

Pass vaccinal : à la rencontre des primo-vaccinés de la dernière heure, un an après les premières piqûres contre le Covid-19

Alors que le pass vaccinal entre en vigueur lundi, des personnes qui viennent tout juste de se voir administrer leur première injection racontent comment les mesures prises par le gouvernement ou le contexte sanitaire ont eu raison de leurs réticences.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le centre de vaccination de Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines), le 19 janvier 2022. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

"L'idée de base, c'était de ne pas me faire vacciner !" Il y a encore quelques semainesJules*, 20 ans, n'aurait pas imaginé pousser un jour la porte d'un centre de vaccination. Mais la petite phrase lâchée par Emmanuel Macron, sur son souhait d'"emmerder" les non-vaccinés, a touché "personnellement" cet étudiant en école de commerce à Rennes (Ille-et-Vilaine). "Ce n'est pas possible... Sa technique a fonctionné", constate-t-il avec désarroi. Le 18 janvier, Jules a donc reçu sa première dose de Pfizer-BioNTech dans le bras "contre [son] gré", lui qui ne se considère pas comme une personne à risque, vu son âge et son état de santé.

Jusqu'au 18 janvier, le jeune homme faisait partie des 4% de Français de 18 à 29 ans qui n'ont reçu aucun vaccin contre le virus du Covid-19, selon les derniers chiffres des autorités sanitaires. Après avoir connu un double pic estival à plus de 300 000 premières doses administrées quotidiennement, le nombre de primo-injections a connu une forte décrue à partir de septembre. Ces derniers jours, il stagne au plus bas avec 26 000 injections en moyenne par jour, et ce même si le gouvernement vante "le million" de premières doses effectuées depuis l'annonce de l'entrée en vigueur du pass vaccinal, prévue lundi 24 janvier.

"Ma vie sans le pass était devenue un enfer"

Comme Jules, plus de 150 personnes ont répondu à l'appel à témoignages de franceinfo, lancé auprès de ces primo-vaccinés de la dernière heure. Alors, pourquoi s'être résolu à la piqûre après des mois de refus, plus d'un an après l'arrivée des premières doses en France ? Pour David, 28 ans, cette période a laissé des traces. "Ma vie sans le pass sanitaire ou vaccinal était devenue un enfer", lâche-t-il au téléphone. Depuis le début des restrictions, cet habitant d'Evreux (Eure) faisait tout son possible pour se vider la tête, loin de sa salle de sport devenue inaccessible sans le précieux sésame. "D'un naturel joyeux, je me suis renfermé sur moi-même et l'anxiété m'a gagné au point d'aller voir un psychiatre", confesse-t-il.

En octobre, il décide de réserver un séjour à la montagne pour la fin du mois de janvier. Mais l'annonce de la mise en application du pass vaccinal ébranle ses plans et dégrade un peu plus sa santé mentale. "Sous antidépresseurs et anxiolytiques", David a "pris sur [lui]", mis de côté "[sa] peur des vaccins" et a accepté de se découvrir l'épaule pour la première dose, il y a une semaine.

"C'est totalement par contrainte que je me suis fait vacciner."

David, primo-vacciné

à franceinfo

Cette impression de "ne plus avoir le choix", Christophe, 54 ans, l'a ressentie également. Jusqu'à présent, cet habitant de Metz (Moselle) tentait tant bien que mal de slalomer entre les contraintes sanitaires, nombreuses pour les non-vaccinés. Toutes les semaines, le quinquagénaire enchaînait les tests nécessaires pour assister aux réunions de son association où il est animateur et les tests journaliers en arrivant chez son employeur, un grand groupe sidérurgique situé au Luxembourg, qui lui demandait régulièrement s'il était passé par la case piqûre.

Mais la transformation du pass sanitaire en pass vaccinal, qui rend caducs les tests de dépistage du Covid-19 négatifs pour l'activer, a fini par avoir raison de son opiniâtreté.

"Avec ce pass, le gouvernement fait bien plus qu'emmerder les non-vaccinés, c'est une obligation vaccinale déguisée."

Christophe, primo-vacciné

à franceinfo

Une pression sur les non-vaccinés que le gouvernement assume totalement. Alors malgré sa méfiance vis-à-vis des vaccins à ARN messager, Christophe,"résigné", a reçu sa première dose sur son lieu de travail, début janvier, et doit faire encore de nombreux tests quotidiens avant la deuxième dose, prévue en février, pour répondre à la demande de son employeur.

"Ni antivax primaire, ni complotiste"

Alexis, 46 ans, évoque quant à lui "l'énorme colère" qui l'habite depuis les propos du chef de l'Etat. Cet habitant de Nantes se dit aussi "choqué" et "offensé", d'autant qu'il s'astreint depuis le début de la pandémie à respecter les gestes barrières et à se tester lorsque c'est nécessaire. Alors il regrette de se sentir "stigmatisé", d'être perçu comme un "irresponsable" qui "n'est plus un citoyen", pour reprendre une autre expression polémique d'Emmanuel Macron. "Je ne suis pas un antivax primaire, ni un complotiste", clame ce quadragénaire de formation scientifique.

"Je voulais prouver que, sans être vacciné, on pouvait garder sa liberté, mais là ils [le gouvernement] vont trop loin avec ce pass vaccinal et leurs propos."

Alexis, primo-vacciné

à franceinfo

Alexis a donc accepté de se faire vacciner, de peur de "tomber en dépression". Lui, qui avait déjà mal supporté le premier confinement, a reçu sa première dose en début d'année. Mais il reste persuadé qu'il faut "laisser les doses à ceux qui en ont besoin", c'est-à-dire, selon lui, les personnes à risques et les personnes âgées. 

Un déclic lié à la perte d'un proche

Si pour la moitié des répondants de l'appel à témoignages de franceinfo, l'arrivée du pass vaccinal a joué un rôle déclencheur, pour d'autres, la motivation relève de leur histoire personnelle. Un déclic lié le plus souvent à un accident de la vie ou à un drame touchant leurs proches. Ainsi pour Paule*, 70 ans, et son mari, c'est le passage en réanimation de leur gendre, âgé de 41 ans, placé en coma artificiel durant quatre semaines, qui les a convaincus. A cela s'est ajouté le décès des suites du Covid-19 du frère de celui-ci, âgé de 56 ans. "La crainte des effets secondaires nous faisait hésiter", explique cette nouvelle retraitée vivant à Marignane (Bouches-du-Rhône), dans un des départements les moins vaccinés de France

"Avec ces deux terribles nouvelles, on s'est dit : 'On ne peut plus reculer, il faut qu'on se vaccine pour protéger nos proches.'"

Paule, primo-vaccinée

à franceinfo

La première dose, reçue le 13 janvier, est passée sans effet indésirable pour ce couple d'anciens boulangers. "Et mon mari a complètement changé d'avis sur la vaccination pour le plus grand plaisir de ma fille infirmière", sourit Paule. 

Vacciné pour devenir pompier

Pour Jules, l'étudiant rennais, c'est la peur du gendarme qui a déclenché le revirement. Le jeune homme avait pris l'habitude de falsifier un pass sanitaire pour continuer à sortir dans les soirées étudiantes. "Mais j'étais tellement stressé à l'idée de voir les forces de l'ordre débarquer dans le bar ou le restaurant que cela me gâchait tout le plaisir de la sortie", avoue-t-il. Or avec l'arrivée du pass vaccinal, le contrôle d'identité est délégué aux gérants du lieu, sous certaines conditions, multipliant ainsi la probabilité pour Jules d'être démasqué. Un risque qu'il ne veut plus prendre. 

Quant à Arnaud, 33 ans, il n'avait pas prévu de passer à l'acte avant la fin de la pandémie, bien qu'il ait conseillé à ses parents âgés et à risques de le faire. "Ni le pass vaccinal ni la menace de déchéance de citoyenneté ne m'y auraient poussé", assure-t-il. Or, le jeune homme, très sportif, ambitionne depuis quelques années de devenir pompier volontaire. Un projet sans cesse repoussé avec la crise sanitaire.

Récemment installé dans les Landes, il est allé se présenter au chef des pompiers de la caserne voisine, en tenant le discours suivant : "J'attends que le Covid passe et que le pass vaccinal ne soit plus obligatoire pour postuler." Mais le capitaine, qui assure déplorer "beaucoup de démissions de ses pompiers volontaires, et même des professionnels, face à l'obligation vaccinale" de leur profession, a tout de suite retenu sa candidature. Alors Arnaud a accepté de se rendre dans un centre de vaccination il y a quelques jours. 

En attendant l'activation de leur pass vaccinal, à partir de lundi, chacun a déjà programmé sa deuxième dose. Mais tous aspirent à ne pas avoir à faire le rappel, espérant une levée de l'application du pass vaccinal d'ici là.

* Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.