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Trafic de faux pass sanitaires : "C'était un bon filon, en quatre mois tu peux atteindre les 100 000 euros", témoigne un ancien vendeur

Les investigations s'intensifient pour tenter d'identifier les vendeurs de faux pass sanitaires et leurs complices. Au total, 182 000 faux ont été découverts, mais tout porte à croire que beaucoup d'autres circulent toujours, notamment sur les réseaux sociaux. 

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Il n'est pas difficile de trouver des vendeurs de faux pass sanitaires sur les réseaux sociaux. (CAPTURE D'ÉCRAN)

182 000 faux pass découverts depuis cet été, 400 enquêtes ouvertes et une centaine d'interpellations déjà réalisées. La lutte contre le trafic de faux pass s'accélère pour identifier les vendeurs et leurs complices. Mais en attendant que les filières tombent, se procurer un faux pass reste quasi un jeu d'enfant.

Sur l'application Snapchat par exemple, l'achat prend quelques minutes, en suivant quelques comptes facilement identifiables. Pour une centaine d'euros, on récupère le QR code d'un autre, ce qui s'assimile à la méthode "artisanale". Pour 350 euros, en livrant ses nom, prénom, numéro de sécurité sociale, on récupère ce que les acheteurs appellent un vrai faux pass, accessible sur son compte Ameli, comme si on avait été réellement vacciné. Une escroquerie vraiment plus sophistiquée.

"Moins grave" que de vendre de la drogue

Ces vrais-faux pass, Yassin, la vingtaine, les écoulait avant d'être interpellé. "À la base c'était pour aider mes proches, ce n'était vraiment pas une histoire d'argent", témoigne le jeune homme qui attend désormais son procès et a cessé cette activité. "Quand ça a pris, l'idée était de prendre l'argent parce que c'était vraiment des sommes astronomiques, en plus sans investir. Franchement si tu t'y mets à fond, en quatre mois tu peux atteindre les 100 000 euros". 

Yassin a rapidement vu son avantage dans ce trafic : "C'était un bon filon à prendre et je suis parti à fond dessus. Je ne vais pas aller me casser la tête à vendre de la drogue, c'est moins grave". Moins grave et aussi beaucoup plus simple, "tu ne te prends même pas la tête à chercher des clients, ils viennent directement à toi, grâce aux réseaux sociaux, au bouche-à-oreille"

Tout en haut de la chaîne, il y a donc forcément un professionnel de santé explique le jeune homme. "C'est obligé, un médecin ou une pharmacienne, qu'il soit au courant ou pas, il y a toujours un professionnel de santé", soit victime de piratage, soit en accord avec le trafic.

"Pas du tout un délit mineur"

Au-delà du risque pour la santé, les utilisateurs de faux pass encourent jusqu'à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende. C'est encore plus lourd pour les faussaires et revendeurs. Les médecins, kinés, infirmiers ou pharmaciens complices du trafic, eux, risquent, en plus, une interdiction d'exercer leur profession. Si la plupart des trafiquants déjà jugés à Lille, Bordeaux ou Muret, par exemple, s'en sortent avec de la prison avec sursis, deux personnes en Île-de-France ont fait quatre mois de détention provisoire.

"Ce n'est pas du tout un délit mineur, c'est vraiment une atteinte grave, prévient Camille Chaize, porte-parole du ministère de l'Intérieur, c'est la raison pour laquelle on a renforcé notre travail d'enquête de police judiciaire qui est assez poussée. On travaille beaucoup avec l'assurance maladie, capable d'identifier des anomalies par un système d'intelligence artificielle.

"On renforce nos investigations numériques sur les réseaux sociaux notamment. Il y a Snapchat, WhatsApp, Telegram et sur Internet en général."

Camille Chaize, porte-parole du ministère de l'Intérieur

à franceinfo

Des médecins mobilisés pour aider les "repentis"

Les ministres de l'Intérieur et de la Santé ont évoqué l'idée d'un statut de repenti promettant l'abandon de poursuites aux détenteurs de faux pass sanitaires qui voudraient finalement rentrer dans le rang et se faire vacciner. De nombreux médecins aident d'ores et déjà certains patients à opérer cette marche arrière.

"J'ai eu quelques personnes qui m'ont dit 'imaginons que je connaisse quelqu'un qui aurait eu un faux pass, qu'est-ce qu'il faut faire ?', relate Christian Lehmann, généraliste à Poissy,  je leur ai dit 'vous vous rapprochez d'un centre vaccinal, vous expliquez ce qu'il s'est passé. Ça sera remonté aux autorités, à la Sécurité sociale puis à la police. Ce n'est pas pour vous fliquer vous, mais pour fermer la filière. Soit vous ne le faites pas et vous attendez simplement que votre filière tombe et qu'un jour, quelqu'un vous appelle'."

Il n'est pas question pour le généraliste de faire culpabiliser les concernés qui se présenteraient à lui. "Quelqu'un qui est 'repenti', qui voit autour de lui des membres de sa famille non-vaccinés et hospitalisés, on ne va pas le punir en disant 'ah ! Vous avez eu l'imbécilité de payer pour un papier qui ne vaut rien alors maitenant, on va vous regarder vous faire infecter', évidemment". 

À l'hopital de Garches, près de Paris au début du mois de décembre, une femme de 54 ans est morte du Covid-19 avec en poche son faux pass sanitaire. Son mari a porté plainte contre X.

Trafic de faux pass sanitaires : enquête de Mathilde Lemaire

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