"On se lève à 3h du matin mais on travaille pour rien" : dans l'Orne, le désespoir des producteurs de fromage face au coronavirus
Conséquence de l’épidémie de coronavirus et du confinement : les maraîchers ne peuvent plus vendre leurs produits, et les producteurs de fromages sont touchés de plein fouet par la fermeture des marchés.
La fatigue commence à se lire sur les visages de Christophe et Véronique Mercier qui travaillent tous les jours, malgré le confinement, dans la ferme familiale "Les biquettes du Plantis". D’habitude, 80% de leur production de fromages de chèvre est écoulée sur les marchés alentours, qui sont désormais fermés.
Et impossible d’arrêter la production : il faut bien traire les 90 chèvres tous les jours. Jeter le lait est interdit pour éviter toute contamination du sol, d’où l’impression de travailler dans le vide avec des dépenses qui, elles, ne s’arrêtent pas : "Est-ce qu'on va pouvoir payer nos factures, nos charges ? Car on est obligé de nourrir nos animaux, de les soigner, etc... On est obligé de continuer à produire car on n'a pas de solution pour le lait, on ne peut pas le jeter dans la nature. C'est un cercle vicieux. Le matin, on se lève à 3h du matin pour aller travailler, traîre les chèvres tous les jours, mais tout ça pour rien. On n'aura rien au bout du compte."
Des moules à tommes et de la vente directe : le système D
Alors pour tenter de faire face, le système D se met en place. Christophe et Veronique multiplient les appels pour faire de la vente directe à la ferme. Ils viennent également de se faire prêter des moules à tommes : "Faire de la tomme permet "d'écouler" plus de lait : on compte environ 1L de lait pour un fromage classique, alors que pour une tomme, on utilise 20L de lait", explique Véronique.
Heureusement, le couple peut également compter sur l'entraide et la solidarité des commerçants des environs : "Nous sommes contactés par différents commerces pour récupérer les commandes", précise la fermière. "Par exemple, il y a un traiteur dans le Perche, qui n'a pas d'activité non plus en ce moment. Il a mis en place des paniers de producteurs et il a choisi nos fromages, donc on le livre de temps en temps". Mais au prix de deux heures de trajet aller/retour...
Quant à traquer les rares marchés ouverts ? Véronique ne veut pas nuire aux autres producteurs. "On ne veut pas se faire d'ennemis, on n'est pas là pour ça", explique l'éleveuse.
On est forcément obligé de marcher sur quelques territoires, mais on essaie de limiter. Si on se tire tous dans les pattes, ça ne sert à rien.
Véronique Mercier, productrice de fromages de chèvreà franceinfo
Et regarder droit devant, dit-elle, même si ce sera difficile. Pâques, dans 15 jours, est d’habitude leur meilleur week-end de l’année.
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