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Nouveau monde. Refuser l’application StopCovid revient à remettre en question notre système de santé, selon le directeur du comité d’éthique du CNRS

La France s’apprête à lancer l’application de distanciation sociale StopCovid, contre la pandémie de Covid-19. Malgré des dispositions visant à préserver la vie privée, cette application continue de soulever des inquiétudes.

Article rédigé par franceinfo, Jérôme Colombain
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un smartphone avec une application de traçage contre le Covid-19 (illustration) (MAXPPP)

L’application StopCovid, qui sera testée la semaine prochaine, a pour but d’alerter en cas de risque de contamination, grâce à l’analyse des contacts entre les personnes via Bluetooth. Le gouvernement a écarté la localisation par GPS, considérée comme trop intrusive. Il a également écarté la solution "clé en main" proposée par Apple et Google. Malgré ces précautions, l’application soulève toujours autant d’inquiétudes quant au respect de la vie privée.

L’informaticien et philosophe Jean-Gabriel Ganascia, directeur du comité d’éthique du CNRS, estime que ces craintes sont compréhensibles mais qu'elles risquent de mettre en danger le principe même de la santé publique.

franceinfo : comment expliquer les inquiétudes face à l’application StopCovid ?

Jean-Gabriel Ganascia, directeur du comité d’éthique du CNRS : Ces inquiétudes sont assez naturelles car on a le sentiment que l’on va être suivi à la trace avec le smartphone que nous avons tous entre les mains. Le terme même de tracking (traçage) ne manque pas de faire peur. Mais, en même temps, je crois qu'il faut raison garder et se demander si, à condition d'être prudent et d'éviter tout abus, ces inquiétudes sont légitimes.

Déjà, nous sommes tracés tous les jours par notre téléphone qui enregistre énormément d'informations. Surtout, nous sommes tous satisfaits de notre système étatique de santé et, avec un système étatique, contrairement aux États-Unis, l'État est nécessairement au courant de tout. L’État sait chez quels médecins nous allons, quels médicaments nous sont prescrits, quels hôpitaux nous fréquentons, etc. Bien sûr, cela doit se faire avec une certaine confidentialité mais si l’on prenait au sérieux certains discours actuels, cela remettrait en cause le système de santé tel qu'il existe aujourd'hui. Et ça, je pense que ce n'est pas légitime.

Entre la crainte de l’application StopCovid et certaines peurs face à la 5G, a-t-on basculé dans une forme d'irrationalité par rapport aux technologies ?

La science fait souvent peur. Toute la difficulté que nous avons aujourd'hui, en tant que scientifiques, c'est d'expliquer que, bien sûr, il y a des inquiétudes légitimes, mais les scientifiques, entre autres, sont là pour éclairer les gens face à ces inquiétudes. Il faudrait que l'information scientifique permette à tout le monde de comprendre que dans la science il n'y a rien de caché, il n'y a rien de secret. Tout peut être présenté simplement. Cependant, cela demande du temps et ce n'est pas facile.

Le rythme d'explication des sciences en général, et des technologies en particulier, n'est pas le même que celui de l'information. Donc, je pense que cela passe par une éducation à très, très long terme, pour que chacun comprenne bien quels sont les dangers liés au développement des sciences. Certains sont réels, et il faut se prémunir contre ces dangers, mais d'autres sont tout à fait imaginaires. Il nous appartient de les dénoncer.

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