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Micro européen. L’Ukraine sur trois fronts

En plus des conflits avec les séparatistes, l’Ukraine doit faire face au Covid-19 et aux incendies proches de la centrale de Tchernobyl. 

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
L'incendie dans la région de Tchernobyl, le 12 avril 2020, en Ukraine.  (VOLODYMYR SHUVAYEV / AFP)

Comme beaucoup de pays, l’Ukraine a été mise en état d’urgence concernant l’épidémie de Covid-19. Tous les cinémas, les théâtres, les cafés, les bars, les restaurants et les centres commerciaux ont été fermés ainsi que les écoles. Et les trois fronts auxquels le pays doit faire face risquent bien de faire s’écrouler l’Ukraine.

Aujourd’hui beaucoup d’Ukrainiens ne cachent pas leur déception face au peu d’action du président Zelensky, comédien élu il y a un an, mais dont l’incapacité à gouverner est aujourd’hui criante pour un pays qui est au bord d’un effondrement économique. Pour l’heure, les autorités ukrainiennes tablent sur une aide du FMI, afin de pouvoir lutter contre le Covid-19, soit une dépense de 4 milliards de dollars. La preuve en est que ni le gouvernement, ni les institutions ne sont en capacité de faire face à l’épidémie, à se demander si l’État ukrainien existe encore.  

Un pays divisé

Parce que ce pays est divisé, l’état ukrainien doit faire face à la République populaire de Lougansk et la république populaire de Donetsk, toutes deux séparatistes et pro-russes. Et le conflit du Donbass perdure, sans que l’on connaisse les répercussions de l’épidémie dans cette région.

Qui plus est, la division se retrouve dans les églises d’Ukraine. Les orthodoxes sont divisés entre l’église orthodoxe d’Ukraine du Patriarcat de Kiev, reconnu en 2019 par le Patriarcat œcuménique de Constantinople, l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev et l'Église orthodoxe ukrainienne rattachée au Patriarcat de Moscou, et parmi les autres religions, l’Église gréco-catholique ukrainienne et les églises catholiques orientales ou dites Églises uniates. L’Ukraine comprend aussi une ethnie bien spécifique : les cosaques Zaporogue, et deux langues, l’ukrainien et le russe.

La supplique du président

Avec la crise du Covid-19, le président ukrainien Zelensky en appelle à l’Occident et au FMI, car ses craintes d’effondrement du pays se font jour, en admettant que le pays est au bord de la faillite.

Ici le président ukrainien ne sait plus sur quel tableau jouer, soit l’UE, le FMI ou Moscou, mais nous n’en sommes pas encore là avec Moscou, même si le torchon brûle à Kiev. À l’écoute de cette supplique, le FMI a promis une enveloppe de 10 milliards de dollars, mais sous condition : qu’une réforme agraire voit le jour, vœu aussi de l’UE.  Ainsi cette réforme foncière serait la porte ouverte aux appétits les plus gourmands sur les terres ukrainiennes. Une solution pour Zelensky de plaire au FMI et à l’UE, afin de sauver le pays.

C’est pourquoi le parlement ukrainien, la Rada, avait levé le moratoire sur la vente des terres agricoles. Et dieu sait qui achètera ces terres, pour quelles utilisations, certains investisseurs attendant la fin de l’épidémie pour fondre sur l’Ukraine. Ce qui ne règlera rien quant au conflit du Donbass. Enfin, l’Ukraine n’a pas reconnu le génocide arménien, d’une part, parce que l’Arménie est un pays "ami " avec la Russie, d’autre part, on s’en doute, pour plaire au président turc, qui pourrait peut-être mettre aussi la main à la poche pour Zelensky.  

Tchernobyl  

34 ans après l'explosion de la centrale, Tchernobyl fait parler d’elle en pleine crise de Covid-19. Aujourd’hui la région de Tchernobyl est ravagée par d'immenses incendies de forêts depuis trois semaines et ils ne sont pas encore maîtrisés. Ces incendies sont très préoccupants, et plus d’un millier de pompiers sont toujours mobilisés avec une radioactivité 16 fois supérieure au seuil normal, données contestées d’ailleurs par la cellule ukrainienne de gestion des catastrophes. En pleine épidémie, Kiev a été submergée par un âpre nuage et les retombées de ces feux ont été aussi signalées dans de nombreux pays européens.  

Le sommet Format Normandie du jeudi 30 avril 2020

Malgré l’épidémie, la France, l’Allemagne, La Russie et l’Ukraine se sont réunies par visioconférence pour un nouveau sommet concernant les accords de Minsk, avec les chefs de la diplomatie de ces quatre pays, le jeudi 30 avril dernier.

Ces accords conclus en 2015 pour régler le conflit entre l’Ukraine et les territoires sécessionnistes n’avaient guère avancé jusqu’en 2019, où il y eut un échange de 70 prisonniers. Jeudi dernier, à l’occasion de cette "rencontre", le ministre des Affaires étrangères allemand, Heiko Maas, a relevé que l'épidémie de coronavirus ne peut être une excuse pour l’Ukraine d’entraver le travail des observateurs internationaux en charge de faire respecter le cessez-le-feu dans l'est de l'Ukraine. Les trois ministres des Affaires étrangères, France, Allemagne et Russie, ont mis en avant la nécessité des échanges de prisonniers entre l’Ukraine et les territoires sécessionnistes.

Autre point soulevé, la question des retraités de l’Est de l’Ukraine, vivant en territoire sécessionniste, qui pour l’instant ne perçoivent pas leurs pensions ukrainiennes. Enfin, il a été demandé à Kiev, concernant les 5 points de passage existants entre les deux territoires, que de nouveaux points de passage soient créés.  

Ainsi, même si l’Ukraine n’est pas dans le calendrier de l’élargissement européen, on note ici les conséquences de Maïdan en 2013, 2014, où une nouvelle fois les candides Européens de l’Ouest s’y sont rendus avec des discours irréalistes, sans se douter que Maïdan n’était que le début d’une situation inextricable pour l’Ukraine, aujourd’hui proche du gouffre.    

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