Masques de protection contre le Covid-19 : face à la concurrence chinoise, le blues des fabricants français
Alors que le président de la République a lancé au printemps 2020 un appel aux entrepreneurs français pour fabriquer des masques de protection contre le Covid-19, 97% des commandes publiques sont réalisées avec la Chine.
Ils sont une trentaine à s'être lancés après l'appel d'Emmanuel Macron au printemps 2020. "Je veux que, d'ici la fin de l'année, nous ayons obtenu [une] indépendance pleine et entière" dans la fabrication de masques de protection contre le Covid-19, annonçait alors le président de la République, en visite dans une usine de Saint-Barthélémy-d'Anjou (Maine-et-Loire).
Depuis, les entrepreneurs qui ont tenté l'aventure ont déchanté car 97% des commandes publiques (administrations, collectivités, hôpitaux) aboutissent, fin octobre 2021, à des commandes de masques chinois, environ deux fois moins chers.
Une production 100% made in France
Chez Prism, une entreprise créée l'an dernier et située à Frontignan (Hérault), un ballet de machines font défiler et découpent de gros rouleaux ressemblant à du tissu. Il y a le spun, pour la couche extérieure du masque, et le melt, le matériau filtrant. Cet atelier produit ainsi 36 millions de masques FFP2 par an et 70 millions de masques chirurgicaux.
Le tout est 100% made un France. "On achète le melt, le spun, les élastiques et les barettes en France", liste fièrement Christian Curel, co-fondateur de Prism. "La machine est française - locale même -, les matières premières sont françaises et évidemment les masques sont français puisqu'ils sont fabriqués ici", énumère encore celui qui est également président du syndicat des fabricants français de masques.
Des masques chinois deux fois moins chers
Dans tout cet univers made in France, sa fierté est la machine qui fabrique les masques FFP2. Elle a été achetée à un fabricant de Lunel, à une trentaine de kilomètres de là. "Une fois qu'on a fait les réglages, trouvé le bon compromis et l'équilibre, la machine tourne pendant des heures !", se félicite Michaël Krencker, le directeur industriel de Prism. C'est, d'après lui, un petit bijou de fiabilité. "J'appuie sur le bouton et c'est parti."
Pourtant, ces dernières semaines, la machine tourne peu. Tout d'abord car les stocks stratégiques ont été reconstitués presque partout, que ce soit dans les administrations ou les hôpitaux. Il y a donc moins de commandes. Surtout, les masques chinois inondent le marché, avec un prix de vente situé entre 2 et 4 centimes l'unité, contre 6 à 8 centimes pour les masques français.
"Depuis six mois, les fabricants chinois sont subventionnés donc ils sont moins chers qu'en 2019 alors que les matières premières ont augmenté et que les taux de fret ont été multipliés par cinq."
Christian Curel, co-fondateur de Prismà franceinfo
Le gouvernement, conscient de l'enjeu, prépare des recommandations d'achats pour les commandes publiques. Parmi celles-ci, une sorte de clause de préférence européenne ou des critères environnementaux. Cependant, les fabricants s'impatient. "Cela nous a été promis. On espérant que ce soit au mois de mars, puis au moins de juin. Maintenant, on nous dit que ce serait au mois d'octobre...", se remémore Christian Curel. "Quelque chose qui pourrait être fait en deux ou trois mois est fait en dix mois." A tel point que certains fabricants ont dû cesser la production en attendant la publication du décret.
Malgré tout, le dirigeant de Prism veut rester optimiste : ses masques s'exportent en Allemagne et Belgique, sont référencés par neuf centrales d'achat de matériel médical qui fournissent notamment des Ehpad et il attend l'arrivée imminente d'une nouvelle machine plus moderne pour les masques chirurgicaux. Cependant, il ne compte encore qu'une douzaine de salariés, alors qu'il espérait pouvoir créer près de 20 emplois supplémentaires dès cette année.
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