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Le rendez-vous de la médiatrice. Peut-on tout diffuser dans un reportage ?

On entend sur franceinfo des reportages où des Français disent ne pas respecter les consignes. Cela fait réagir des auditeurs.

Article rédigé par franceinfo, Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
21 mai 2020. Saint Gilles Croix de VIe. (BENJAMIN MATHIEU / RADIO FRANCE / FRANCE INFO)

Benjamin Mathieu, journaliste grand reporter à la rédaction de franceinfo est au micro d’Emmanuelle Daviet , la médiatrice des antennes de Radio France. Il a rencontré beaucoup de Français sur le terrain depuis le déconfinement, et l'un de ses reportages a suscité quelques questions des auditeurs.

Emmanuelle Daviet : Un auditeur s’interroge, voici sa question : "Pourquoi diffuser la parole de personnes qui transgressent la loi et se vantent de ne pas s’être confinées ?" 

Benjamin Mathieu : Quand on est sur le terrain en tant que reporter, on se doit de raconter la situation telle qu’elle nous apparaît, et on n’a pas à faire le choix entre ce qu’on pourrait considérer comme étant de bonnes paroles ou de mauvaises paroles à mettre à l’antenne.

Il se trouve que le déconfinement s’est relativement bien passé en France. La plupart des gens ont respecté les règles édictées par le gouvernement. Mais également, c’était le sujet de ce reportage, des personnes ne l’ont pas respecté, ils avaient toujours de bonnes raisons. Mais c’est important, et intéressant de donner à entendre, sur nos antennes de service public, ce qu’il se passe vraiment sur le terrain.  

Emmanuelle Daviet : On poursuit avec la remarque de cet auditeur : "Entendre ce genre de réflexion est vraiment dérangeant… Il n’y a pas de modération de ces propos qui encouragent la désobéissance civile." Est-ce le rôle d’un journaliste de modérer des propos dans son commentaire ?  

Benjamin Mathieu : Je répondrais en reprenant la question de cet auditeur qui dit que c’est dérangeant : un point de vue qui lui est propre. En tant que reporter, on n’a pas à émettre un point de vue. Nous, on est là pour raconter, raconter le réel, tel qu’il se déroule.

Par contre, on a effectivement une responsabilité de reporter quand on interviewe les personnes, c’était notamment le cas dans les manifestations de "Gilets jaunes". Parfois on pouvait avoir des propos qui pouvaient être injurieux, dans ce cas-là, je ne les diffuse pas. À ce moment-là, je retire ces propos, en les disant dans ma voix de manière plus souple, sans le côté ordurier.

Notre rôle n’est pas de modérer les propos dans notre commentaire, mais de faire attention, tout de même à ce que l’on diffuse, notamment des attaques ad hominem.  

Emmanuelle Daviet : Dans sa remarque l’auditeur estime également que diffuser ces propos encourage la désobéissance civile. Que lui répondez-vous ? 

Benjamin Mathieu : Sur le service public, sur toutes nos antennes, nous sommes là pour encourager la construction intellectuelle d’une pensée. Nos reportages vous rapportent ce qu’il se passe sur le terrain, et c’est à vous, de vous faire une opinion. On n’a pas à penser à votre place. Donc ces reportages n’encouragent pas la désobéissance civile, ils sont juste le reflet de ce qu’il s’est passé sur le terrain, rien d’autre, rien de plus, rien de moins.

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