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Le recours massif au télétravail va-t-il favoriser les délocalisations d'emplois qualifiés ?

Le confinement à cause du coronavirus a vu s'imposer le télétravail au niveau local. Cette méthode de travail pourrait s'étendre au niveau international. Cela ferait des économies pour l'employeur en recrutant des salariés dans des pays où les salaires sont moins élevés.

Article rédigé par Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une personne en télétravail à son domicile. Photo d'illustration. (MAXPPP)

Le confinement l’a prouvé : on peut très bien travailler ensemble quand on ne se trouve pas dans un même lieu. De nombreuses entreprises, de PSA à Facebook en passant par Twitter et Google se lancent dans le télétravail généralisé. Pour de bon. Les visioconférences, ça marche, et le partage de données en toute sécurité ne pose pas de problème. Alors pourquoi ne pas aller plus loin ? Et, plutôt que de faire travailler ensemble des dizaines de personnes disséminées aux quatre coins de l’Ile-de-France, recruter des gens aux quatre coins du monde ? Des employés qualifiés que l’on paieraient évidemment beaucoup moins cher, à la hauteur du salaire du pays.

Faire travailler des spécialistes indiens, malgaches ou marocains, par exemple dans le domaine des nouvelles technologies, l’idée n’est pas nouvelle. Mais selon les économistes du Groupe d’études géopolitiques, le confinement pourrait bien avoir ouvert une ère nouvelle. Celle de la grande délocalisation des emplois qualifiés.

Entre 30 et 40% des emplois qualifiés pourraient être délocalisés

Selon l’auteur de cette note, le fait qu’un emploi soit "télétravaillable", un vilain mot pour dire qu’il peut être effectué à distance, et le fait qu’il soit délocalisable sont très proches. Ce qui fait qu'entre 30 et 40% des emplois qualifiés, des emplois de cols blancs, pourraient être délocalisés dans des pays à bas coûts. Exactement comme l’industrie dans les années 80 et les centres d’appels dans les années 90 sont partis. Mais Cyprien Batut explique dans une interview au site du magazine Capital que le fait que ces cadres soient situés à l’autre bout du monde pourrait faire perdre de le productivité et de l’innovation. L’économiste estime donc plus raisonnable de prévoir que "seuls" 10% des emplois qualifiés pourraient être délocalisés, maintenant que le verrou psychologique du télétravail a sauté.

L'arrivée sur le marché de "télémigrants"

Selon Cyprien Battut, il y a deux facteurs qui limitent la délocalisation. D’abord le fait qu’un emploi a beaucoup besoin de supervision, de contrôle. Plus il y a de supervision, plus il est difficile de délocaliser. Même chose pour la coordination. Plus il y a de travail en équipe, plus il est difficile d’avoir recours à des gens situés dans d’autres pays. Mais si l’emploi est suffisamment autonome, alors, rien ne s’oppose à faire appel à ce que l’économiste américain Richard Baldwin nomme les "télémigrants", des freelances compétents, notamment issus des pays du Sud, dorénavant capables d’entrer en compétition avec les salariés qualifiés.

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