"Le déconfinement, oui, mais soutenons-nous encore !" : pour les plus fragiles psychologiquement, le retour à une vie normale est une source de stress
Le déconfinement ne sera pas synonyme de retour à la normale. Ni dans les rues, ni dans les têtes. Le virus est toujours là, la distanciation sociale pesante, et l’avenir incertain. Les médecins anticipent une hausse des troubles anxieux et dépressifs dans les semaines à venir.
"La première semaine a été terrible, je me sentais coupée du monde". Annie Labbé, bipolaire, a très mal supporté le début du confinement. "Moi, ce qui m'a vraiment attaqué au niveau émotionnel, c'est la privation de la liberté". La perspective de sortir plus librement est donc un soulagement pour Annie. Mais pas pour tout le monde, souligne la psychiatre Marion Leboyer, directrice de la fondation FondaMental. "Il y a toute une série d'incertitudes qui sont probablement difficiles à vivre, explique-t-elle. Et nos patients, pour certains d'entre eux, nous disent aussi que la période du confinement, d'une certaine manière, ils ne l'ont pas mal vécue. Ils étaient à l'abri du stress, de toute une série de pressions sociales qui, quelquefois, les mettent en difficulté."
Ils ont vécu cette période de confinement comme un cocon, au calme par rapport à la frénésie habituelle.
Marion Leboyer, fondation FondaMental
Pour certains, le déconfinement qui s'annonce et une rupture avec ce "cocon". "Il va falloir reprendre le cours d'une vie normale, poursuit Marion Leboyer, ce qui est très attendu pour un certain nombre de gens, mais peut être pas pour tout le monde, en particulier des plus fragiles."
Pendant le confinement, l’association Argos 2001, que préside Annie Labbé, a mis en place des groupes de parole à distance et des visioconférences pour maintenir le lien. Pour elle, pas question de s’arrêter maintenant. "On a vraiment besoin de ce soutien, insiste-t-elle. Moi, j'en ai énormément besoin, et les personnes que j'accompagne régulièrement, maintenant d'une manière plus virtuelle, demandent à ce qu'on essaie de continuer à être ensemble, comme on l'a été."
Ces groupes de parole ont aidé à passer la période du confinement. "C'est devenu un rituel vraiment important dans leurs vies, constate Annie Labbé. Passer au déconfinement, oui, mais soutenons-nous encore !"
Via des plateformes comme CovidÉcoute, de nouveaux publics expriment une demande de soutien psychologique : beaucoup de femmes cumulant télétravail, tâches ménagères et gardes d'enfants, des jeunes aussi, très inquiets de l'avenir, explique Marion Leboyer. "Ils n'avaient jamais, pour une grande majorité d'entre eux, eu de contact avec un psychiatre ou un psychologue auparavant. Ils ont été très aidés par une à deux consultations avec des psychologues professionnels de santé mentale ayant des outils thérapeutiques à leur proposer pour apprendre à gérer leur stress. Cette main tendue et ces stratégies qu'on leur a apprises ont suffi à empêcher le développement de pathologies ultérieures, et à gérer ou à apprendre à gérer le stress."
Maintenir le soutien est indispensable, conclut la psychiatre. Elle pense aux soignants toujours sur le pont, aux personnes qui ont été malades ou ont perdu des proches. Et elle s'attend à une augmentation des dépressions et stress post-traumatiques.
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