Le Covid-19 "emporte souvent plusieurs personnes d'une même famille, c'est sa singularité" constate le professeur Djillali Annane
"On voit père et mère emportés par la maladie, ou frère et sœur", a affirmé le chef du service de réanimation de l'hôpital Raymond-Poincaré à Garches, alors que la France est sur le point de franchir le cap des 100 000 morts.
Le cap des 100 000 morts du Covid-19 en France doit être franchi dans la soirée de ce jeudi 15 avril. Un décès sur trois a lieu en réanimation, a indiqué ce jeudi sur franceinfo le professeur Djillali Annane, chef du service de réanimation de l'hôpital Raymond-Poincaré à Garches, dans les Hauts-de-Seine. "Le Covid-19, très souvent, emporte plusieurs personnes d'une même famille. C'est ce qui en fait toute sa singularité", a-t-il estimé.
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franceinfo : Est-ce que vous avez constaté des signes d'amélioration dans votre service ?
Pr Djillali Annane : Malheureusement, pour l'instant en réanimation, nous ne voyons pas la traduction de l'infléchissement du taux d'incidence que l'on observe depuis une semaine. La tension reste très forte, avec toujours un service plein, rempli de patients atteints du Covid-19 et de très nombreuses sollicitations tous les jours.
Gabriel Attal affirme que le pic de cette troisième vague n'est pas atteint. Il annonce des jours très difficiles à venir. Partagez-vous cet avis ?
Oui, absolument. On reste avec à peu près 40 000 nouvelles contaminations tous les jours en France et on continue d'avoir un solde positif en réanimation. Donc on voit bien que l'épidémie continue lentement de progresser.
Combien avez-vous de décès quotidien dans service de l'hôpital de Garches ?
C'est environ un patient sur trois qui va décéder en réanimation. On a en moyenne un décès tous les deux ou trois jours. Les personnes qui décèdent en réanimation sont les plus jeunes, mais il y a davantage de personnes qui décèdent en dehors de la réanimation. Huit décès sur dix correspondent à des personnes qui ont 75 ans ou plus et beaucoup de décès ont lieu dans les Ehpad ou à domicile.
Il y aura "évidemment ce moment d'hommage et du deuil pour la Nation" en faveur des victimes du Covid, a déclaré le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. Qu'en pensez-vous ?
C'est certain que la tristesse est immense et qu'elle affecte de trop nombreuses familles qui sont endeuillées aujourd'hui et avec très souvent dans une même famille plusieurs personnes emportées par le Covid-19. C'est malheureusement quelque chose que l'on vit trop souvent, on voit père et mère emportés par la maladie, ou frère et sœur. C'est une caractéristique du Covid-19, il ne tue pas qu'une personne dans une famille et très souvent il emporte plusieurs personnes. C'est ce qui en fait toute sa singularité. On imagine à quel point cela dévaste les familles. C'est quelque chose qui pour les soignants est aussi très difficile à vivre. Les soignants sont des êtres humains et l'empathie et la compassion sont partie intégrante de la prise en charge de nos patients, et donc cela nous affecte.
Avez-vous le temps de discuter avec les familles ?
Oui, c'est quelque chose qu'on s'efforce de faire. On en connaît l'importance pour les familles et pour nous même donc on prend ce temps nécessaire. C'est très différent de la première vague, où les familles ne pouvaient pas venir à l'hôpital, ne pouvaient pas enterrer leurs proches. Cette première vague a été presque cruelle mais on a su corriger ça. Aujourd'hui, les familles sont présentes et on les accompagne. C'est un vrai progrès dans cette prise en charge du Covid-19.
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