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"La situation est absolument dramatique" : les travailleuses du sexe alertent sur la grande précarité causée par la crise sanitaire

Avec le déconfinement, les travailleurs et travailleuses du sexe reprennent peu à peu leur activité, mais dans des conditions très difficiles. Le virus circule toujours et beaucoup de prostitués se retrouvent dans une situation de grande précarité.

Article rédigé par franceinfo, Matthieu Mondoloni
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des prostituées attendent des clients dans une rue de Nice, le 28 mars 2013. (illustration) (VALERY HACHE / AFP)

"J'ai revu un client pendant le confinement parce que je ne pouvais pas payer mon loyer". Le confinement a été très difficile pour Mirah, 22 ans, prostituée à Montpellier. Comme des dizaines de milliers de travailleurs du sexe, elle a été contrainte de cesser son activité pendant presque trois mois. Elle reprend à peine en s’imposant des conditions sanitaires très strictes. "Je nettoie tous les lieux, tous les espaces qui vont être touchés, manipulés, les accessoires, les poignées, raconte la jeune femme. Les draps sont lavés à haute température."

Avant cette période, elle pouvait gagner jusqu’à 3 000 euros par mois. Depuis le déconfinement, elle arrive péniblement, dit-elle, à 800 euros. Et tout cela se fait dans un contexte possiblement dangereux pour elle, comme pour ses clients. "En tant que travailleuses du sexe, on prend un risque en rencontrant [des clients], on n'a pas forcément le choix de pouvoir faire ça, estime Mirah. Mais j'estime que mes clients sont assez grands pour savoir où se situe le danger et pour prendre leurs responsabilités."

Des clients qui se font rares. C’est aussi ce que constate Awen, 27 ans, travailleur du sexe et activiste sur le site TDS versus Grindr.

Il y a une peur de la contamination qui est ancrée dans l'esprit et le corps des gens.

Awen, travailleur du sexe

à franceinfo

"Ces travailleurs du sexe, ce sont des personnes qu'on va prendre un peu de temps avant d'aller revoir parce qu'il y a tout ce stigmate de maladies qui tournent autour de nous, poursuit Awen. Il reste aussi la peur de ce virus."

Une concurrence entre travailleuses du sexe

Et les rares clients jouent parfois de cette position de force pour exiger des prostituées des comportements dangereux. "Il y a toujours des clients qui poussent nos tabous et nos limites pour négocier nos tarifs, poursuit Mia, 32 ans, escort en Normandie. Par exemple, la semaine dernière, j'ai eu un client qui sait que je n'embrasse pas, et qui a essayé de m'embrasser en plein rendez-vous."

D’autant qu’il y a aussi beaucoup plus de concurrence parmi les travailleurs du sexe en cette période de déconfinement, explique Anaïs de Lenclos, l'une des porte-parole du Strass, le syndicat du travail sexuel.

La vérité, c'est que nous ne devrions pas avoir besoin de reprendre le travail tant que la crise sanitaire n'est pas terminée.

Anaïs de Lenclos, porte-parole du STRASS

à franceinfo

"Tout le monde revient sur le marché du travail en même temps. Il y a de nouvelles personnes qui viennent travailler, assure-t-elle. La crise les a tellement mises en difficulté qu'il y a des personnes qui n'avaient jamais exercé le travail du sexe qui commencent". Il n'y a pas plus de clients qu'avant, et ils restent très méfiants, selon Anaïs de Lenclos. "Il y a aussi l'après-coup du confinement, les conséquences psychologiques. La situation est absolument dramatique et les gens craquent." Car beaucoup d’entre eux sont sans aucune aide, ajoute Mia.

La situation a précarisé les bons trois quarts des travailleurs du sexe, ceux qui n'étaient pas déclarés. Ces personnes n'ont pas eu d'aide de l'Etat.

Mia, travailleuse du sexe

à franceinfo

"On a essayé de débloquer des fonds d'urgence via le ministère de Marlène Schiappa, le ministère du Logement, celui de la Santé... rien à faire." Une lettre ouverte a même été envoyée au président de la République au début du mois d’avril. Une lettre restée à ce jour sans réponse.

Précarité aggravée pour les travailleurs du sexe : écoutez le reportage de Matthieu Mondoloni

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