''Ils n'ont donc aucune fierté pour nous quémander ainsi de l'argent ?'' : aux Pays-Bas, les clichés des "frugaux" sur les "feignants" d'Europe du Sud sont tenaces
Les 27 dirigeants de l'Union européenne vont tenter d'ici dimanche de s'entendre sur le plan de relance post-Covid. Les pays "frugaux" sont opposés à tout transfert budgétaire sans contrepartie. Et parmi eux, les Pays-Bas.
À perte de vue, des chariots chamarrés égaient la froideur industrielle de l'acier : bienvenue dans le gigantesque hall du Royal Flora Holland, épicentre mondial du marché horticole, à Aalsmeer, aux Pays-Bas. "Les fleurs que vous voyez là bas arrivent des chambres froides, des caristes les scannent et la commande vocale leur dit où ils doivent les emmener." Chiffre d'affaires annuel : 4,8 milliards d'euros, essentiellement gagnés en Europe, précise le porte-parole du groupe, Michel Van Schie. "Les Pays-Bas dépendent des exportations, rappelle-t-il. Nous espérons qu'un plan de relance va aider les économies qui souffrent."
Les 27 dirigeants de l'Union européenne vont en effet tenter d'ici dimanche de s'entendre sur le plan de relance post-Covid : 750 milliards de prêts et subventions aux pays les plus touchés par la crise sanitaire du coronavirus et ses conséquences économiques. Les négociations s'annoncent longues et difficiles, notamment avec les pays dits "frugaux", comme l'Autriche, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas, rétifs à l'idée de mutualiser la dette européenne, et opposés à tout transfert budgétaire sans contrepartie. Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais apparaît comme le leader de ce groupe, même si l'économie de son pays dépend pourtant largement du marché unique.
"Ils n'ont retenu aucune leçon de l'Europe du Nord"
S'endetter pour aider le reste de l'Europe ? L'idée ne fait pas l'unanimité. "Dépenser un seul centime pour l'Europe du Sud, c'est une connerie !", peste Jelte Wiersma, correspondant à Bruxelles de l'hebdomadaire Elsevier Weekblad. Costume anglais impeccable, goût prononcé pour la cuisine française et épouse italienne, ce journaliste néerlandais est pourtant intarissable sur les travers du sud de l'Europe.
Ils ne respectent pas les règles. Ils travaillent moins que nous. Alors pourquoi devrions-nous leur donner le moindre sou ?
Jelte Wiersmaà franceinfo
"Ils n'ont retenu aucune leçon de l'Europe du Nord, poursuit le journaliste. Ils n'ont donc aucune fierté pour nous quémander ainsi de l'argent ?" Fin mai, l'illustration d'un de ses articles a fait sensation, avec en haut le Nord industrieux qui trime, et en bas, dolce vita, terrasses et maillots de bain.
Hans tient une droguerie sur le Dappermarkt d'Amsterdam. Il loue aussi des appartements à Marbella, en Espagne. "Ils sont feignants, dénonce Hans. Je les vois, moi, boire en terrasse dès midi du vin et des bières. Et leurs jours fériés, avec les fêtes catholiques. Ils perdent une semaine de travail par mois ! Allez au boulot, les gars !"
La dénonciation des cigales du Sud est électoralement porteuse à huit mois des législatives. Dans une société marquée par la sobriété protestante, industrieux et pragmatique, le Néerlandais serait-il aussi... radin ? "Il y a une frugalité dans la culture des Pays-Bas, c'est certain, note Thijs Berman, ex-eurodéputé social démocrate et directeur de l'Institut néerlandais pour la démocratie et le multipartisme. Il n'y a pas chez nous de Champs-Elysées ou de grandes avenues, etc. Il faut rester très modeste. Et la richesse, on le cache un petit peu..." Radin, peut-être, mais aussi tenace : un veto néerlandais n'est pas exclu ce week-end.
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