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Etat d'urgence sanitaire : "Il est dangereux de faire passer progressivement, insidieusement, dans le droit commun, des mesures qui devraient être temporaires et exceptionnelles"

Le constitutionnaliste Dominique Rousseau revient mercredi sur franceinfo sur l'examen dans la journée par les députés d'un projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire à partir du 10 juillet.

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La statue de Colbert, devant l'Assemblée nationale, à Paris, le 15 juin 2020. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"Il est dangereux de faire passer progressivement, insidieusement, sans bien s'en rendre compte, dans le droit commun, des mesures qui devraient être temporaires et exceptionnelles", met en garde sur franceinfo le constitutionnaliste Dominique Rousseau, alors que les députés examinent mercredi 17 juin un projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire à partir du 10 juillet.

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"Avec le vote éventuel de cette loi, le gouvernement garde la possibilité de prendre toutes les mesures qu'il a prises pendant l'état d'urgence. Et c'est là qu'il y a une contradiction", estime le professeur de droit constitutionnel à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. "Je ne pense pas que cela soit un projet de loi de sortie de l'état d'urgence. On le prolonge jusqu'au 1er novembre, et ça me paraît très dangereux dès lors que ces mesures vont rentrer, même de manière transitoire, dans le droit commun", explique-t-il.

"Si l'état d'urgence est levé, en revanche, les mesures que le gouvernement pouvait prendre pendant l'état d'urgence restent : possibilité de restreindre la liberté de circulation, possibilité de fermer les cafés, les restaurants, possibilité de restreindre ou d'interdire les manifestations et les réunions, pouvoir de restreindre l'accès dans les transports", énumère Dominique Rousseau.

La seule chose qui disparaît, c'est que le gouvernement ne peut plus confiner de manière générale l'ensemble de la population. Mais avec la nouvelle loi, le gouvernement pourrait rétablir l'autorisation de sortie du domicile.

Dominique Rousseau

à franceinfo

"Le président de la République nous a dit qu'il fallait apprendre à vivre avec le coronavirus. Sans doute, peut-être, mais il ne faut pas apprendre à vivre avec l'état d'urgence ou avec les mesures qui ressortent de l'état d'urgence. C'est ça qui est dangereux pour la santé du corps social. La santé du corps social, ce n'est pas simplement une question médicale, c'est aussi une question de liberté : liberté d'aller et venir, liberté de la presse, liberté de réunion, liberté de manifester", souligne Dominique Rousseau.

"L'exception ne doit pas devenir la norme"

"Le problème, c'est qu'en France, on est habitué à voir les périodes transitoires durer", s'inquiète le constitutionnaliste, qui cite les mesures prises à la suite des attentats terroristes de novembre 2015. "Je vous rappelle que lorsque Emmanuel Macron, président de la République, est sorti de l'état d'urgence sécuritaire le 1er novembre 2017, il a fait voter la veille, le 30 octobre, une loi qui, là aussi, mettait dans le droit commun l'essentiel des pouvoirs que l'on pouvait exercer pendant l'état d'urgence sécuritaire. Et ceci jusqu'en décembre 2020", indique Dominique Rousseau, pour qui "l'exception ne doit pas devenir la norme, ne doit pas devenir l'ordinaire d'un gouvernement d'une société démocratique".

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