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Enquête franceinfo Le business des tests Covid-19 : des petits boulots étudiants très bien payés mais à la limite de la légalité

Article rédigé par franceinfo - Romane Brisard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une patiente qui attend de se faire dépister, devant une pharmacie.  (ROMANE BRISARD / FRANCEINFO)

Plus de 220 millions de tests de dépistage du Covid-19 ont été réalisés en France depuis le début de la crise sanitaire. Des dépistages souvent réalisés par des jeunes dépisteurs sous des chapiteaux installés devant les pharmacies. Un business des tests qui peut rapporter gros. 

Depuis le début de la pandémie, 220 millions de tests de dépistage du Covid-19 ont été réalisés en France. Souvent réalisés par des jeunes testeurs. Difficile de dire combien ils sont ou de savoir quand ils ont commencé à s’y installer, mais reste une réalité : le business des tests peut rapporter gros. Ça devient même le nouveau job étudiant en or, et pas uniquement pour les jeunes issus de formations médicales. Les étudiants croisés dans les barnums de Paris viennent de tout bord : architecture, ressources humaines, coiffure, etc. Mais tous enfilent la blouse avec le même objectif : gagner de l’argent.

>> Covid-19 : les pharmaciens alertent sur des résultats de tests faussés par le froid

Pablo est l’un d’entre eux. Il a commencé à tester cet été alors qu’il était en BTS. Pour lui, ça a si bien fonctionné qu’il n’est pas retourné en cours à la rentrée : depuis, il travaille dans une start-up qui sous-traite ces dépistages pour le compte des pharmacies, et qui embauche une soixantaine de testeurs, avec une moyenne d'âge autour de 25 ans. "Ces jeunes viennent avant tout chercher des sous, car c'est une activité qui rémunère plutôt bien, détaille-t-il. Globalement chez nous, un jeune va être rémunéré 25 euros de l'heure sur 10 à 12 heures par jour, pour des horaires traditionnels de pharmacie."

"Les plus acharnés peuvent travailler 7 jours sur 7, 30 jours par mois, et peuvent gagner jusqu'à 5 000, 6 000, 7 000 ou 8 000 euros par mois, c'est colossal."

Pablo, collaborateur d'une start-up spécialisée dans les tests

à franceinfo

Tous les jeunes ne gagnent pas autant : cela dépend du temps libre dont ils disposent pour tester. Mais en moyenne, tous peuvent gagner un Smic à la fin du mois en travaillant 15 heures par semaine. Et avec environ un million de tests réalisés chaque jour en France, du travail, il y en a.

Des étudiants plus ou moins qualifiés

En dehors des professionnels de santé, n’importe quel citoyen peut devenir dépisteur, ou plutôt "médiateur de lutte anti-Covid-19", selon le terme officiel. Pour cela, deux obligations : la première, s’inscrire à une initiation au dépistage en ligne ; la seconde, suivre une formation pratique de sept heures auprès d’un professionnel de santé. C’est sur ce dernier point que les syndicats de pharmaciens alertent. Dans les faits, il n’y a tout simplement pas assez de places disponibles en formation pratique. Résultat : certains dépisteurs commencent à tester dans l’illégalité. 

L'autre danger dénoncé par les syndicats, c'est que ces dépisteurs sont laissés sans surveillance dans les barnums. Là aussi, c'est un problème. Pourtant la règle est claire : sous les barnums, ces étudiants doivent toujours être accompagnés d’un médecin ou d’un pharmacien. 

Le professionnel de santé doit assurer la majeure partie du dépistage

En théorie, chacun son rôle : le jeune teste, c’est-à-dire qu’il insère l’écouvillon dans la narine du patient, mais en revanche, le reste du dépistage est assuré par le professionnel de santé. Et in fine, c'est lui qui entre le résultat dans la base de données Sidep. Sauf que dans les faits, les étudiants sont souvent seuls sous leurs chapiteaux, comme l'explique Pierre Olivier Variot, président de l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). "Faire l'extraction, ça relève du professionnel de santé. Mettre le produit sur le test, s'assurer qu'il s'agit du bon test, conservé à la bonne température, c'est du domaine du professionnel de santé. Et le rendu du résultat, c'est aussi au professionnel de santé de le faire", énumère-t-il, en reconnaissant qu'en pratique, "ça ne se passe pas du tout comme ça."

Pour récapituler : appât du gain, défaillance des start-up dans la formation des jeunes testeurs, manque d’encadrement sous les barnums. Se pose donc en creux la question de la fiabilité de ces tests. Ces sept derniers jours, en moyenne plus de 360 000 nouveaux cas positifs ont été détectés en France : ce chiffre est-t-il véritablement le bon, ou ne représente-t-il que les personnes correctement dépistées ?

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