Pierre Rondeau, professeur d’économie à la Sport Management School de Paris, directeur de l’observatoire du sport de la Fondation Jean-Jaurès, a estimé mardi 12 janvier sur franceinfo que la réduction de salaire des joueurs "était une solution" alors que les clubs de football professionnels sont touchés de plein fouet par la crise sanitaire du Covid-19. Certains sont au bord de la faillite. Des négociations s’ouvrent mardi entre les clubs et les représentants de joueurs dans l’optique d’une baisse des salaires. "Cela me semblerait assez illusoire et même hypocrite de vouloir imposer une baisse généralisée pour des footballeurs qui sont tous différents", dit-il.franceinfo : De discussions s'engagent entre l'Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), le syndicat des joueurs en France, et des présidents de clubs sur le sujet de la baisse des rémunérations des joueurs dans les championnats de Ligue 1 et Ligue 2. Cette volonté de baisser les salaires vous semble être une bonne option ?Pierre Rondeau : Il est évident, quand on regarde les charges et les comptes de fonctionnement des clubs de foot, que les salaires pèsent énormément. On est à 55% en moyenne au niveau des charges pour les clubs de football professionnels et c'est monté à 70% pour certains clubs de Ligue 2. Donc, les salaires pèsent. Face aux baisses de recettes liées à la fois à la crise sanitaire et à la faillite de Mediapro, les clubs doivent absolument trouver des solutions pour réduire la voilure, pour réduire leurs dépenses, sinon ils sont à deux doigts de la faillite et du dépôt de bilan. Donc oui, réduire les salaires est une solution. Maintenant, et cela va être tout l'objet de la réunion entre le syndicat des joueurs et les clubs, il faut trouver la bonne méthodologie. C'est une solution, mais il y en a d'autres, comme la régulation des transferts, la régulation du nombre de joueurs sous contrat.La Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), le gendarme financier du foot français, dit qu'il faut réduire de 30% la masse salariale pour espérer retrouver un équilibre. Pensez-vous qu'il y a la moindre chance qu'on y parvienne ? Je suis très sceptique sur ce chiffre de 30% donné sans aucune démonstration en considérant le foot français comme un tout. En Ligue 1 et en Ligue 2, il y a une multitude de clubs professionnels, tous différents. On ne peut pas mettre sur un pied d'égalité le surpuissant Paris Saint-Germain, avec un budget de plus de 650 millions euros, et d'autres clubs comme Nîmes, Dijon, Angers ou Reims, qui sont bien plus faibles économiquement et dont les salaires pèsent finalement bien moins que les salaires de Neymar ou Mbappé au Paris Saint-Germain. Ce qui va se passer, c'est qu'on va avoir des négociations de gré à gré au sein des clubs, entre les joueurs. Certains joueurs vont accepter de réduire leur rémunération de 10, 20, 30, 40, voire de 50%. Et d'autres, vont tout simplement refuser, jugeant qu'ils ne sont pas, on peut les comprendre, responsables de la situation. Ils vont refuser de payer les pots cassés, les choix des dirigeants."Les dirigeants qui demandent de réduire les salaires des joueurs sont les mêmes qui ont signé l'accord avec Mediapro en 2018, sans demander la moindre garantie bancaire."Pierre Rondeauà franceinfoQuel est le salaire moyen des footballeurs français ? Le salaire moyen est de 94 000 euros par mois. Mais c'est sûr que si on intègre les joueurs du Paris Saint-Germain qui sont à 800 000 euros par mois de moyenne, forcément, globalement, cela grossit. Un autre élément intéressant à prendre en considération, c'est le salaire médian [salaire tel que la moitié des salariés de la population considérée gagne moins et l'autre moitié gagne plus]. Le salaire médian des footballeurs est de 34 000 euros. Le salaire minimum dans le football, c'est 3 500 euros et le salaire maximum, c'est Neymar avec 3,06 millions d'euros [brut par mois, hors primes, selon l'estimation de L'Équipe]. Il y a énormément d'inégalités et je le répète, ça me semblerait assez illusoire et même hypocrite de vouloir imposer une baisse généralisée pour des footballeurs qui sont effectivement tous différents.