Covid-19 : "Il ne sert à rien de fermer les frontières, il est impossible de faire barrage avec des douaniers"
Alors que le coronavirus Covid-19 s'étend à de nouveaux pays hors d'Asie, le professeur Patrick Zylberman, historien de la santé, était invité de franceinfo. "Ce qui a changé entre la semaine dernière et aujourd'hui, c'est que l'épidémie est devenue proche. C'est ce qui déclenche les réactions assez nerveuses que l'on entend", a-t-il précisé.
"On a effectivement la notion de pandémie qui est en passe de s'installer", a analysé mardi 25 février sur franceinfo, le professeur Patrick Zylberman, historien de la santé, professeur émérite à l'Ecole des hautes études de santé publique, alors que l'épidémie de coronavirus touche de plus en plus de pays dont l'Italie, l'Iran ou encore la France. Une épidémie qui devient une pandémie n'est pas nécessairement plus nocive selon lui. Le coronavirus se "développe exactement comme il s'est développé jusque-là, en étant assez contaminant, assez contagieux et finalement assez peu mortel", a-t-il poursuivi. Selon Patrick Zylberman, fermer les frontières ne servirait à rien, "ça dénote une pensée très faible. Il est impossible de faire barrage avec des douaniers à une épidémie d'infection respiratoire."
L'épidémie de coronavirus est en train de se répandre à l'échelle mondiale, de devenir une pandémie ?
Patrick Zylberman : La notion de pandémie signale une extension géographique à plus d'une région de l'OMS et là on y est puisque l'épidémie s'est déroulée jusque-là dans la région Asie-Pacifique, et on voit qu'aujourd'hui, la région Europe et la région Moyen-Orient, si on compte la dizaine de cas en Iran, sont touchées. On a donc effectivement la notion de pandémie qui est en passe de s'installer.
Quand une épidémie devient une pandémie, elle n'en devient pas, pour autant, plus dangereuse, plus mortelle ?
Dans les réactions qu'on entend aujourd'hui, on note quand même une certaine nervosité dans nos parages. Qu'est ce qui a changé finalement ? Est-ce que c'est la gravité de l'épidémie qui a changé ? Non, car le virus a peu bougé. On voit qu'il se développe exactement comme il s'est développé jusque-là, en étant assez contaminant, assez contagieux et finalement assez peu mortel. Il n'y a donc rien de nouveau sur le plan épidémiologique ou sur le plan biologique. Il y a quelque chose qui a changé, c'est qu'il s'est introduit une nouvelle notion, vis-à-vis de laquelle on réagit, qui est celle de la proximité. Ce qui a changé entre la semaine dernière et aujourd'hui, c'est que l'épidémie est devenue proche. Elle était lointaine, à 12 000 kilomètres. Aujourd'hui, elle est à nos portes. C'est ce qui déclenche les réactions assez nerveuses qu'on entend aujourd'hui.
Le ministre de la Santé a indiqué que l'épidémie était à nos portes avec ces cas qui se multiplient en Italie. Qu'est-ce qui se rapproche le plus dans l'histoire de cette épidémie de coronavirus ?
Ce qui se rapproche le plus, c'est incontestablement la grippe de 1918, c'est très différent sur le plan biologique et épidémiologique, mais sur le plan politique et économique, on a quelque chose d'assez équivalent. On a une épidémie qui se développe dans une région toujours la même, la Chine, qui ensuite, petit à petit, envahit le reste du monde. On a exactement ce schéma-là, il n'y a rien de nouveau. L'effet mondialisation existe, mais il est au niveau de la psychologie collective. Le débat sur la fermeture ou non des frontières est assez lamentable tel qu'on l'entend aujourd'hui. La mondialisation, c'est précisément un monde sans frontières. Il ne sert à rien de les fermer. Le virus n'a pas besoin de passeport pour passer d'un endroit à un autre, comme le nuage de Tchernobyl, il ne s'arrête pas aux frontières. L'extension de l'épidémie et sa proximité mettent en cause la souveraineté des États. Dès qu'on parle de frontière, c'est une notion sensible. Ça dénote une pensée très faible. Il est impossible de faire barrage avec des douaniers à une épidémie d'infection respiratoire.
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