Cet article date de plus de quatre ans.

Covid-19 : est-il vraiment nécessaire de laver son masque en tissu à 60 °C ?

Selon l'Académie nationale de médecine, un lavage à 30 °C avec un détergent classique suffit "pour détruire le virus".

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
A Paris, un couple masqué se promène dans le 6e arrondissement, le 30 août 2020. (MYRIAM TIRLER / AFP)

Tous les médias l'ont répété en chœur pendant des mois : il faut laver les masques en tissu à 60 °C. Et patratas : l'Académie nationale de médecine fait savoir par communiqué, lundi 7 septembre, qu'un tel niveau de température n'est pas "justifié". Un lavage normal avec votre détergent classique suffit pour nettoyer ce nouvel accessoire anti-coronavirus, désormais imposé au bureau, dans les collèges et lycées et même dans la rue dans certaines grandes villes. Changement de doctrine ? Revirement ?

"Pas du tout", se défend Yves Buisson, le président de la cellule Covid de l'Académie nationale de médecine, contacté par franceinfo. "On n'a jamais changé de doctrine !" Les 60 °C conseillés pour laver les masques ne venaient pas de l'Académie de médecine, rappelle-t-il, mais des pouvoirs publics (plus précisément de l'Agence nationale de sécurité du médicament) qui ont "transposé des normes hospitalières" au grand public. Avec un niveau d'exigence infondé, selon lui, au regard de l'objectif premier : la généralisation du port du masque. 

Il faut arrêter d'imposer aux gens toutes sortes de contraintes qui font qu'ils ne respecteront plus l'essentiel : le port du masque.

Yves Buisson

à franceinfo

En outre, ajoute-t-il, ce virus est plutôt "fragile". "C'est un virus à enveloppe lipidique et les virus à enveloppe de ce type sont fragiles. Si on lave le masque avec un détergent à 30 °C, ça suffit pour détruire le virus. Vous ne vous lavez pas les mains à 60 °C, je suppose ? Eh bien, c'est pareil. Il n'y a pas de raison d'imposer ça au masque."

Bien sûr, poursuit Yves Buisson, "il faut protéger les soignants avec des masques ultra-protecteurs FFP2, car eux sont très exposés aux postillons et à la toux des malades. Mais attention, en milieu de soins, ces masques sont ensuite jetés, traités comme des déchets et incinérés."

"L'important, c'est que tout le monde en porte"

"Dans la vie quotidienne, argumente le médecin en poursuivant son raisonnement, ce niveau de précautions est excessif pour le porte-monnaie et pas du tout écologique [vu les déchets et le gaspillage engendrés]. C'est pour cela que l'Académie de médecine recommande plutôt les masques en tissu que les masques jetables. Bien sûr, plus un masque grand public est filtrant, mieux c'est. Mais l'important c'est d'abord que tout le monde en porte parce que du coup, si tout le monde en porte, ça arrête la quasi-totalité des postillons." 

L'efficacité de cette stratégie du masque imposé à tous ne tient pas à la qualité du masque. Elle tient au fait qu'elle soit appliquée par tout le monde.

Yves Buisson

à franceinfo

N'y a-t-il pas de danger, néanmoins, avec les bactéries et virus qui pourraient être stockés par ce bout de tissu ? Certes, reconnaît le médecin, "le masque est imprégné de la flore de votre nez et de votre bouche. Mais cette flore n'est pas pathogène. Elle disparaît au lavage comme c'est le cas pour votre le linge de corps ou vos mouchoirs. Et si vous êtes porteur asymptomatique du Covid-19 et que vous lavez votre masque, le virus disparaît !"

Le principe général est donc de suivre les règles d'hygiène courante. Ça vaut pour tous, y compris le président de la République, note au passage Yves Buisson. "Car s'il y a un geste à ne pas faire, c'est bien celui d'Emmanuel Macron hier, lorsqu'il a donné son masque à un agent de sécurité. C'est comme s'il lui avait donné son mouchoir sale ! On ne fait jamais ça." En résumé, martèle-t-il, "le message, c'est de porter tous le masque parce que c'est un des principaux moyens de lutte contre le Covid-19. Mais si on veut que les gens le fassent, il faut que ce soit simple et compréhensible, sinon l'adhésion au port du masque va diminuer."

"Le lavage du masque ne doit pas être négligé"

Dans un avis du 25 mars 2020 révisé le 13 mai, l'ANSM recommandait pourtant "un lavage en machine avec un produit lessiviel adapté au tissu dont le cycle comprendra au minimum un plateau de 30 minutes à 60 °C". Le maintient-elle ? Interrogée, elle rappelle le contexte du printemps et l'évolution des connaissances sur le sujet. A l'époque, soucieuse de participer à "l'effort de guerre", l'Agence nationale de sécurité du médicament avait consulté des "experts en hygiène hospitalière" qui avaient répondu en fonction des données alors disponibles. 

Un accord s'était dégagé autour de ces 60 °C qui éliminaient aussi "d'autres pathogènes plus résistants liés à des pathologies respiratoires". "Le masque est directement en contact avec la bouche et des aérosols liés à la respiration pendant une durée pouvant atteindre quatre heures. Le lavage du masque ne doit donc pas être négligé", précise-t-elle à franceinfo. 

La comparaison entre lavage des mains et lavage d'un tissu doit tenir compte à la fois de la différence de structure (tissu/surface de la peau) et de l'exposition du masque à de nombreux pathogènes aériens autres que le Sars-CoV-2.

L'ANSM

à franceinfo

Néanmoins, l'ANSM n'exclut pas de "réviser" cet avis "en fonction de l'évolution des connaissances et des recommandations des professionnels dans ce domaine".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.