Covid-19 : désagréables, trop sensibles, longs à analyser... Pourquoi les tests PCR sont si critiqués
Un million de tests PCR sont désormais réalisés chaque semaine en France. Mais pas toujours à bon escient, estiment certains médecins, alors que d'autres solutions arrivent.
"Testez, testez, testez !" avait ordonné l'Organisation mondiale de la santé en mars, au début de l'épidémie de coronavirus. Après un lent démarrage, la France parvient enfin, cinq mois plus tard, à réaliser un million de tests PCR par semaine, selon le bilan fourni par le ministre de la Santé, Olivier Véran. Mais à peine ce cap est-il franchi que ces tests détectant l'ARN (l'acide ribonucléique) du virus semblent sous le feu des critiques, même si leurs qualités de dépistage ne sont pas remises en causes. Que leur reproche-t-on ? Eléments de réponse.
Ils ne disent pas si un patient est contagieux
Ce qui est reproché aux tests PCR. "C'est un très bon test pour savoir si quelqu'un a été infecté, mais c'est un mauvais test de contagiosité", expose le médecin généraliste Yvon Le Flohic. En cause, la trop grande aptitude de ce test à "détecter de très petites quantités de matériel génétique" du virus, avait-il déjà expliqué au journal spécialisé Industrie-Techno. "On trouve même des 'fragments', des 'miettes' de virus", s'amuse-t-il.
Si on a une 'miette' de virus sur le prélèvement effectué dans le nez d'un patient, le test RT-PCR va le trouver ! Mais cela ne signifie pas pour autant que le patient est contagieux.
Yvon Le Flohicà franceinfo
Fragments ou pas, les résultats du test sont binaires : le patient est positif si des traces de Sars-CoV-2 sont détectées et il est négatif s'il n'y en a pas. "Or vous pouvez être positif sans être contagieux. Vous pouvez garder des traces de l'ARN du virus dix, vingt ou trente jours après les symptômes, sans n'être plus malade ni contagieux. Ou vous pouvez avoir une faible quantité de virus qui sera décelée par le test, mais qui est insuffisante pour provoquer une contagion", précise Yvon Le Flohic.
Cette marge d'indécision a des conséquences lourdes : "Une bonne partie des gens testés positifs ne sont probablement pas ou peu contagieux, mais ils sont néanmoins soumis à quatorze jours d'isolement. Il faut réfléchir à l'impact de cette mesure [qui pourrait être réduite à sept jours] sur les commerçants et les artisans par exemple, qui ne peuvent plus travailler." Le médecin rappelle au passage qu'en règle générale, "la contagion se fait deux jours avant les symptômes et jusqu'à cinq ou sept jours après le début des symptômes, sauf cas graves où on continue à excréter."
Quelle serait la solution ? Les tests antigéniques sont une alternative aux tests PCR, parce qu'ils détectent le virus uniquement lorsque celui-ci est actif. "Ces tests cherchent les protéines qui sont à la surface du virus. Celles-ci ne sont détectables que si le virus est vivant alors que l'ARN [détecté par le test PCR] peut être là à titre résiduel", argumente l'immunologiste Frédéric Altare de l'Inserm.
Concernant les tests PCR, la solution consisterait à mesurer le nombre de "cycles" (pour "amplifier" les traces du génome) nécessaires pour arriver à détecter une trace du virus. Plus ce nombre de cycles est important, moins il y a de virus. "Avec le test PCR, on pourrait définir un seuil, un taux d'amplification. A 33 ou 34 cycles d'amplification, on est encore contagieux. A 36 ou 37 cycles, on ne l'est plus car la présence du virus est trop faible", développe Yvon Le Flohic.
Il faut attendre les résultats trop longtemps
Ce qui est reproché aux tests PCR. "Il faut attendre quatre jours actuellement en moyenne pour avoir les résultats des tests PCR. C'est beaucoup trop long ! Si vous êtes testé positif, on vous demandera quels étaient vos contacts quatre jours plus tôt et vous risquez de ne plus vous en souvenir", déplore l'épidémiologiste William Dab, également ancien directeur général de la santé.
Un temps d'attente confirmé par le Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM). "Depuis l'annonce d'Emmanuel Macron de tests remboursés, nous peinons à faire face à cette vague de demandes : les cadences ont augmenté à marche forcée, passant de 300 000 tests hebdomadaires début juillet à plus d'un million début septembre, soit plus du triple !", écrit le SJBM sur Twitter. Et d'ajouter : "Cet afflux massif de patients sature les capacités analytiques de nos laboratoires."
Cet afflux massif de patients sature les capacités analytiques de nos laboratoires. Les
— SJBM (@SJBM_Crew) September 8, 2020
files d’attentes s’allongent et les patients - même symptomatiques - attendent leurs résultats
plusieurs jours, ce qui est contre-productif dans la lutte contre l’épidémie.
Quelle serait la solution ? Les tests antigéniques semblent, là encore, plus adaptés. "C'est une alternative intéressante car ils réduiraient nettement le temps entre le début des symptômes et le résultat du test", estime William Dab. A en croire le ministère de la Santé, ces tests devraient être rapidement disponibles. "Cette semaine, en Ile-de-France, nous devrions commencer à déployer des tests antigéniques, qui sont des tests rapides", a promis Olivier Véran sur France Inter. Attention, ces tests ne seront pas plus agréables pour le patient. "Ils seront réalisés à partir de prélèvements dans le nez par écouvillon, comme les tests RT-PCR", confirme la direction générale de la santé à franceinfo. Pour les tests antigéniques effectués à partir de prélèvement salivaires, il faudra encore patienter.
Ils demandent une logistique lourde
Ce qui est reproché aux tests PCR. "lls ne sont pas facilement déployables", résume Yvan Le Flohic. Car pour réaliser un test PCR, il faut du personnel qualifié pour faire des prélèvements nasaux et des machines, les "thermocycleurs", pour les analyser. Ces dernières ont besoin de temps – "entre 1h30 et 6 heures", expliquait en avril Sciences et avenir – pour "amplifier" les traces de Sars-CoV-2 qui pourraient se trouver dans les prélèvements et ensuite détecter la présence d'acide ribonucléique du virus.
Et l'afflux de personnes souhaitant se faire tester engorge les laboratoires (d'autant que ce dépistage est gratuit). "On n'arrête pas, c'est du non stop !", déplore Claude Cohen, président du Syndicat national des médecins biologistes (SNMB). "Le personnel est très fatigué, au bord de la rupture." Si bien que les biologistes ont appelé "au civisme" des Français et leur ont demandé de ne pas aller se faire dépister "inutilement".
Le personnel des laboratoires est sur les rotules - certains sont en burn out - et nous
— SJBM (@SJBM_Crew) September 8, 2020
n’arrivons plus à recruter.
Le SJBM tient à alerter sur les dangers d’une politique de santé
fondée sur le chiffre et non sur la pertinence médicale des examens PCR.
Quelle serait la solution ? Pour remédier à cette lourdeur due à l'analyse en laboratoire des tests PCR, il existe des tests antigéniques salivaires, que certains interlocuteurs cités dans cet article présentent comme une (possible) panacée car ils pourraient se pratiquer chez soi, à la manière d'un test de grossesse. "On peut se tester soi-même, avec une colorimétrie indiquant si vous êtes positif ou négatif. Chacun pourrait ainsi savoir s'il est potentiellement contaminant avant de se rendre à un évènement privé comme un mariage par exemple, ou avant d'aller assister à une pièce de théâtre", imagine Yvon Le Flohic.
"Il y a déjà des tests de ce type utilisés à l'étranger. Tout le monde attend cette validation en France pour l'utiliser à grande échelle, avec deux avantages : des résultats en 15 min et des tests beaucoup moins coûteux", surenchérit Frédéric Altare, de l'Inserm.
Pour que ces tests soient disponibles, il faudra d'abord les fabriquer en usine à grande échelle, avec les réactifs nécessaires, les languettes adéquates...
Frédéric Altarreà franceinfo
Francis Guinard, secrétaire général du Syndicat des biologistes, nuance également : "Le test n'est pas encore validé, et même quand il le sera, il faudra encore que l'acte soit coté par l'Assurance-Maladie. Au minimum, ça prendra 4 à 5 semaines. Autant dire que ce n'est pas pour tout de suite."
Sur France Inter, mardi 8 septembre, le ministre de la Santé Olivier Véran a de son côté indiqué "attendre de façon imminente des résultats d'expérimentations" concernant ces tests antigéniques salivaires. "Dans les tout prochains jours, je devrais avoir des éléments qui permettront de répondre déjà par 'oui' ou 'non" à la question de la fiabilité de ces tests", a-t-il fait savoir.
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