Covid-19 dans les écoles : "C'est très compliqué quand il y a un déni de réalité" de la part du ministère, critique le SNUipp-FSU 93
Avertis la veille pour le lendemain d'un nouveau protocole sanitaire à mettre en place à l'école pour lutter contre la pandémie de Covid, les établissements font ce qu'ils peuvent pour maintenir les classes ouvertes mais répondent à Jean-Michel Blanquer que non, "sur le terrain ça ne va pas si bien que ça".
"C'est très compliqué quand on a un ministre de tutelle qui explique que tout va bien, qu'il y a une forme de déni de réalité et qu'il ne se rend pas compte que sur le terrain ça ne va pas si bien que ça, que ce n'est pas si facile que ça", déplore Catherine Da Silva, directrice de l'école élémentaire Taos Amrouche à Saint-Denis et représentante du syndicat SNUipp-FSU en Seine-Saint-Denis, mardi 4 janvier sur franceinfo. Les écoles ont été averties dimanche après-midi pour lundi, jour de la rentrée scolaire, de la mise en place d'un nouveau protocole sanitaire pour lutter contre l'épidémie de Covid-19.
franceinfo : Comment s'est déroulée cette première journée dans votre école ?
Au départ, je me suis dit que tout allait bien se passer parce que j'avais la chance d'avoir tous mes enseignants présents. Et puis, tout au long de la journée, ça s'est complètement dégradé. Le premier constat a été qu'il nous manquait beaucoup d'élèves, trois à quatre par classe donc ça chiffre assez vite sur mon école. Et puis les parents qui appellent pour vous expliquer qu'ils sont positifs, que les enfants sont positifs ou cas contact des parents positifs. À 11 heures, un papa me dit : "Je vais récupérer mon enfant parce que sa mère est positive." Et là, vous croisez les doigts pour que le test de l'enfant soit négatif parce que, sinon, vous allez avoir beaucoup de travail dans la journée, mais manque de bol, il est positif. Il a fallu fermer la classe momentanément, appeler tous les parents pour que les enfants aillent se faire tester. On va commencer à jouer avec les autotests à J+2 et à J+4. Hier soir, j'ai appris que deux autres enfants dans la classe étaient positifs et que, finalement, on avait peut être bien fait de fermer cette classe au moins une journée pour se rendre compte qu'il y avait d'autres cas positifs et éviter qu'on se contamine.
Le ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer a annoncé le nouveau protocole sanitaire très tardivement dimanche après-midi, dans un article payant du Parisien. Est-ce que cela a eu des conséquences sur votre organisation ?
Ça a été compliqué parce que j'en ai pris connaissance à 18h30 pour ma part, dimanche soir. J'avais commencé à préparer une information aux parents qui a été mise dans les carnets de liaison, mais vous imaginez bien que pour la classe en question, c'était déjà trop tard. On passe un temps infini à expliquer les nouvelles règles.
"Je m'invente médecin en expliquant qu'il faut se faire dépister une fois, puis à J+2 et à J+4. C'est très vite très compliqué."
Catherine Da Silva, directrice d'école élémentaireà franceinfo
Et ce n'était que la première journée.
Dans quel état d'esprit sont les enseignants de votre école ?
Mes collègues sont déjà très, très fatigués. Ils étaient déjà fatigués en rentrant parce qu'ils savaient que ça allait commencer à déstabiliser leur enseignement, puisque vous avez des enfants qui partent ou, comme on va avoir aujourd'hui, des enfants qui arrivent au compte-gouttes en fonction de la disponibilité des pharmaciens pour pouvoir faire les tests et me les présenter à l'entrée. Je passe ma vie à gérer cette crise sanitaire depuis septembre, à faire des listes d'enfants qui reviennent tel jour, puis tel jour, finalement il n'est plus cas contact, il est cas positif donc, ce sera tel jour. C'est très compliqué quand on a un ministre de tutelle qui explique que tout va bien, qu'il y a une forme de déni de réalité et qu'il ne se rend pas compte que sur le terrain ça ne va pas si bien que ça, que ce n'est pas si facile que ça.
Quelles mesures sanitaires souhaiteriez-vous voir mises en place à l'école ?
Les capteurs de CO2, les masques FFP2 pour les enseignants. Je suis à Saint-Denis. La mairie a fait le choix d'acheter des capteurs de CO2, sauf qu'on en a un par établissement. Il a besoin de 12 heures de charge et il a quatre heures d'autonomie, donc je ne peux faire que des sondages. Par ailleurs, on a un chantier juste en face de l'école donc les fenêtres sont ouvertes, l'enseignement est dégradé, sans parler des masques. Pour des petits, la concentration, écouter la maîtresse, ça devient très compliqué.
"Quand on nous dit qu'il faut faire respecter les gestes barrières, je mets au défi qui que ce soit de faire tenir un masque sur la tête d'un enfant pendant trois heures d'affilée sans qu'il ne le mette sous le nez."
Catherine Da Silva, directrice d'école élémentaireà franceinfo
Jean-Michel Blanquer a fait le choix de garder les écoles ouvertes et on est tous d'accord là dessus. Il n'y a pas de souci. Il fallait peut-être se donner les moyens de le faire sans que tout le monde tombe malade, sans que les enseignements soient empêchés parce que moi, je ne suis pas qu'une garderie, j'aimerais bien aussi pouvoir enseigner des choses aux élèves et pas être dans un système de dysfonctionnements valable sur plusieurs jours, tout le temps.
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