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Coronavirus : quelles pistes pour "démultiplier" les tests de dépistages en France ?

"Testez, testez, testez", martèle l'OMS pour combattre le coronavirus. La France a du mal à appliquer ces mesures offensives, mais le ministère de la Santé affirme vouloir y rémédier autant que possible.

Article rédigé par franceinfo
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Un test de dépistage du Covid-19 réalisé sur une femme directement depuis sa voiture, à Lisses (Essonne), le 23 mars 2020. (FRANCK FIFE / AFP)

"Nous augmentons nos capacités de tests." Le ministre de la Santé s'est engagé, mardi 24 mars, à "démultiplier le nombre de tests réalisés sur le territoire" français pour lutter contre l'épidémie de coronavirus. Olivier Véran se décide ainsi à suivre les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé qui a invité, lundi, les pays touchés à "passer à l'attaque" en testant massivement leurs concitoyens. Mais dans notre pays, des organisations de médecins et de biologistes médicaux dénoncent la pénurie de matériel dédié aux tests. Alors comment la France compte-t-elle s'y prendre ?

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En augmentant la production actuelle avec des "automates"

Actuellement, la méthode principale de dépistage du Covid-19 consiste à introduire profondément un écouvillon (sorte de long coton-tige) dans le nez afin de prélever des cellules profondes. Le prélèvement est ensuite analysé pour y chercher l'acide ribonucléique (ARN, proche de l'ADN) caractéristique du Covid-19. Il s'agit de la technique PCR, pour Polymerase chain reaction (réaction en chaîne par polymérase) qui permet l'amplification du génome d'un agent pathogène (un virus). Le fragment de génome est amplifié par cycles, en des millions d'exemplaires, jusqu'à pouvoir le détecter et l'étudier, même avec un très faible échantillon.

Pour procéder à cette analyse génétique, il faut un laboratoire spécialisé. Le 18 mars, le ministère de la Santé indiquait à Libération que 45 établissements en France étaient en capacité de le faire. L'analyse repose sur beaucoup de manipulations humaines, et les résultats ne sont pas disponibles avant trois à cinq heures, voire plus si les laboratoires sont saturés. En outre, ces tests nécessitent "un certain nombre de produits dont une partie nous vient de Chine et des Etats-Unis, (et qui) n'arrivent plus en nombre suffisant", ajoutait le 20 mars dans La Croix Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique sur le Covid-19.

Mais lundi, le directeur général de la santé a annoncé que le nombre de tests réalisés pour dépister le Covid-19 était passé à 9 000 par jour, avec pour "objectif" 10 000 d'ici la fin de la semaine et 29 000 par jour la semaine prochaine. Pour y parvenir, Jérôme Salomon mise sur "des automates", c'est-à-dire des machines à haut débit entièrement automatisées utilisées dans les laboratoires de ville. Des tests pour le coronavirus adaptés à ces machines voient petit à petit le jour.

Ainsi, depuis le 16 mars, les laboratoires de ville sont autorisés à utiliser un test développé par le groupe pharmaceutique suisse Roche Diagnostics. Près de 100 tests peuvent être réalisés sur les machines de Roche, baptisées Cobas, en trois heures environ, soit entre 1 000 et plus de 1 400 résultats par 24 heures. C'est dix fois plus rapide que les tests actuels. D'autres plateformes concurrentes de diagnostics automatisés, les Panther de la société américaine Hologic, sont autorisées. "Elles sont utilisées dans les hôpitaux de Lyon et de Toulouse", précise Libération.

En misant sur des tests plus rapides

D'autres perspectives existent, avec des tests encore plus rapides, comme ceux des sociétés Novacyt ou Eurobio Scientific (qui promet des résultats en une heure quinze). Ou encore celui du groupe français bioMérieux, qui a obtenu, mardi, le droit de commercialiser aux Etats-Unis un nouveau test rapide. Baptisé Biofire Covid-19, il détecte également le coronavirus "à partir d'un prélèvement rhinopharyngé réalisé avec un écouvillon". Il est simple d'utilisation et ne nécessite qu'une formation minime, explique le groupe à franceinfo. 

Le groupe développe aussi une nouvelle version étendue de son panel respiratoire, qui intègre déjà la reconnaissance de 21 pathogènes, pour y ajouter le Sars-CoV-2. Avec ce test, les résultats tombent en seulement quarante-cinq minutes. L'entreprise était déjà à l'origine d'un premier test PCR, produit dans l'Ariège, rapporte La Dépêche, disponible en France uniquement pour les laboratoires et qui devrait, selon le groupe, rapidement obtenir le label européen CE.

Pour booster encore la cadence, des scientifiques chinois de l'université d'Oxford ont trouvé une nouvelle solution, rapportait Libération dès le 18 mars. "Il suffit de répartir le prélèvement nasal en trois flacons et de les faire réagir avec un produit chimique qui détecte l'ARN du virus. On observe alors la couleur : si deux flacons passent du rose au jaune (le troisième servant de témoin), le test est positif. Les résultats sont lisibles en une demi-heure seulement", décrit le quotidien. Il présente deux avantages de taille : il a besoin de peu de matériel technologique pour être utilisé (juste un bloc chauffant) et les résultats peuvent être lus à l'œil nu. Ses inventeurs tentent donc de développer un kit de test tout-en-un.

En préparant des tests de sérologie

Pour les tests sérologiques, une prise de sang suffit. Ils ont donc l'avantage d'être plus légers que les tests RT-PCR. En réalité, ils n'ont pas le même objectif : ils visent à détecter les anticorps pour déterminer après coup si un individu a été en contact avec le virus, et s'il est donc a priori immunisé. Ce test sérologique présente de multiples avantages. Il permet d'identifier les personnes qui ont des anticorps et sont, de facto, protégés contre la maladie. Il est donc utile pour calculer le taux réel de mortalité. Autre point fort, il aidera à déterminer le pic épidémique. Car quand 60% à 80% de la population aura été contaminée, le virus responsable du Covid-19 ne pourra plus être transmis d'humain à humain, comme l'explique Le Figaro. De ce fait, l'épidémie s'éteindra. Enfin, ce test est peu coûteux.

Il est impossible de savoir, pour l'instant, dans combien de temps la méthode pourra être industrialisée. Mais des travaux sont engagés. "Nous avons déjà un test prototype qu'il faut encore valider à l'Institut Pasteur. Nous devrions avoir une solution pour effectuer des centaines, voire des milliers de tests dans quelques semaines", précisait, vendredi, toujours dans Le Figaro, Marc Eloit, responsable de l'équipe qui traque de nouveaux pathogènes à l'Institut Pasteur. L'idée serait d'abord de tester des populations autour de "clusters", les premiers foyers de l'épidémie, comme à Creil, dans l'Oise. Ces tests pourraient aussi être appliqués "aux personnes qui ne peuvent pas télétravailler, qui sont en chômage partiel" à cause du confinement, assure à l'AFP la chercheuse française Isabelle Imbert. "S'ils sont immunisés, ils peuvent reprendre le travail et l'économie peut repartir progressivement", estime-t-elle.

Plusieurs équipes dans le monde travaillent à leur élaboration. Le ministre de la Santé espère qu'ils seront disponibles "dans les prochaines semaines". Dès samedi, Olivier Véran avait souligné l'importance de ces tests "au moment où nous lèverons le confinement". "Nous devrons vérifier, pour les personnes pour lesquelles il y avait un doute, si elles présentaient ou non la maladie", avait-il déclaré. Jérôme Salomon l'a répété mardi soir : "Nous pourrons réfléchir à de nouvelles stratégies pour accompagner la fin du confinement. Nous aurons besoin à ce moment-là d'être très attentif à la circulation du virus."

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