Coronavirus : quatre questions sur la situation en Italie, où toute la population est désormais contrainte au confinement
Lundi soir, le gouvernement a étendu à tout le pays les mesures déjà prises dans le nord de la péninsule. Le pays est le plus touché en Europe, et son système de santé peine à faire face.
"Je reste à la maison" : tel est le nouveau mot d'ordre adressé par le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, à toute la population du pays, lundi 9 mars. Les mesures de confinement mises en place la veille dans le nord de la péninsule concernent désormais l'intégralité du territoire. Les rassemblements sont annulés, les écoles fermées et les Italiens sont appelés à limiter au maximum leurs déplacements. Des mesures drastiques prises pour tenter d'endiguer la progression fulgurante de l'épidémie de coronavirus Covid-19 : plus de 10 000 personnes ont été testées positives au virus, ce qui en fait le pays le plus touché après la Chine. Franceinfo vous explique la situation et en quoi consistent les restrictions mises en place.
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Comment l'épidémie progresse-t-elle dans le pays ?
Il s'agit, de loin, du pays européen le plus touché par l'épidémie à l'heure actuelle. Mardi, le gouvernement italien a annoncé avoir recensé 977 nouveaux cas positifs et 168 nouveaux morts en 24 heures. Ce qui porte le total de cas à 10 149 (dont seulement 1 004 ont guéri depuis) et le total de morts à 631. Plus de 90% des décès liés au virus en Europe ont eu lieu en Italie.
L'ampleur de l'épidémie place le système de santé italien à rude épreuve. Mardi, 5 038 personnes étaient hospitalisées à cause du Covid-19 en Italie, dont 877 en soins intensifs, à majorité dans trois régions du Nord : la Vénétie, région de Venise (856 cas), l'Emilie-Romagne, région de Bologne (1 533 cas), et surtout la Lombardie, région de Milan (5 791 cas). Une carte, mise à jour par le gouvernement italien, illustre cette répartition très inégale des cas dans le pays.
Des médecins exerçant dans les provinces les plus touchées livrent des témoignages glaçants. "Depuis ces derniers jours, nous devons choisir qui intuber, entre un patient de 40 ans et un patient de 60 ans qui risquent tous les deux de mourir", racontait lundi à La Croix un médecin anonyme de l'hôpital de Crémone, en Lombardie. "C'est atroce et nous en pleurons, mais nous ne disposons pas d'appareils de ventilation artificielle en nombre suffisant." Un autre médecin, d'un hôpital de Brescia (Lombardie), affirme à Libération que "les anesthésistes nous demandent de ne plus leur adresser les patients âgés qu'ils vont devoir brancher inutilement à un ventilateur pendant quinze ou vingt jours", c'est-à-dire ceux qui ont "plus de 70 ans" ou souffrent "d'autres pathologies". Dans un communiqué, samedi, la société des anesthésistes italiens faisait de ce principe une consigne en encourageant, quand un choix devient inévitable, à soigner en priorité les patients avec "une plus grande espérance de vie".
Quelles mesures étaient déjà en vigueur ?
Dimanche, le gouvernement italien avait déjà annoncé des premières mesures de restriction. En vigueur jusqu'au 3 avril, celles-ci ciblaient sans surprise la zone la plus touchée, soit 14 provinces du nord du pays allant de Milan à Venise, abritant plus de 15 millions de personnes, soit un quart de la population du pays.
Le décret limitait étroitement les possibilités de sortir de ces régions, sans l'empêcher totalement : certains aéroports restaient ouverts pour des liaisons intérieures à l'Italie et les personnes devant travailler en dehors de la zone avaient encore le droit d'en sortir. Mais des patrouilles avaient été mises en place, notamment sur les axes routiers, pour vérifier si les personnes qui circulaient avaient une bonne raison de le faire.
Par ailleurs, dans toute l'Italie, le gouvernement avait annoncé la fermeture des établissements d'enseignement, des discothèques, des salles de sport, des cinémas et des musées, ainsi que l'annulation des conférences, congrès et salons professionnels.
En revanche, le décret pris dimanche n'incluait plus, dans la zone rouge, le tout premier foyer de coronavirus en Italie, autour des petites communes de Codogno et de Casalpusterlengo, autorisant de nouveau certains déplacements de leurs habitants. Deux autres décrets prévoyaient eux des mesures pour le système de santé : le recrutement de 20 000 personnels de santé, la production d'appareils pour les services de réanimation et l'augmentation de 50% du nombre de lits en soins intensifs.
Comment ont-elles été durcies lundi ?
Un peu plus de 24 heures plus tard, les mesures ont donc été élargies à tout le pays. Y compris le sud de la péninsule, où le nombre de cas est beaucoup plus réduit, mais où la faiblesse du système de santé fait craindre que son impact soit plus grave encore. "Si le virus descend rapidement vers le Sud, la situation sera ingérable", avertissait Walter Ricciardi, médecin et conseiller du ministre de la Santé italien, dans La Croix.
"Je vais signer un décret que l'on peut résumer ainsi : 'Je reste chez moi'", a résumé le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, lundi soir. Le texte limite cette fois les déplacements de tous les Italiens, qui ne sont possibles que face à des "impératifs professionnels dûment vérifiés et à des situations d'urgence, pour des raisons de santé". Et s'il reste donc possible d'aller travailler, les entreprises sont invitées à mettre leur personnel en congés. Quant aux personnes contaminées, elles sont obligatoirement assignées à résidence. Celles qui présentent des symptômes du virus, sans avoir été testées, sont fortement incitées à éviter tout contact avec l'extérieur.
"Toute forme de rassemblement de personnes dans des lieux publics ou ouverts au public" est désormais interdit. Le nouveau décret confirme la fermeture des écoles et universités, des musées, cinémas, casinos, discothèques ou encore des salles de sport. Et les manifestations sportives sont suspendues. Après un dernier match joué à huis clos lundi soir, le championnat d'Italie de football, la Serie A, va ainsi s'arrêter jusqu'à la fin du confinement.
Les magasins pourront ouvrir leurs portes, mais seulement entre 6 et 18 heures, de même que les bars et les restaurants, où les clients doivent respecter une distance d'un mètre. Cette même mesure de précaution est en vigueur dans les lieux de culte, où les cérémonies religieuses sont en revanche interdites, y compris les mariages et les enterrements. En revanche, ces nouvelles mesures ne prévoient pas "de limiter les transports publics, afin de garantir la continuité" de l'activité économique "et de permettre aux gens d'aller travailler", a précisé Giuseppe Conte lundi soir.
Comment réagissent les Italiens ?
Les premières mesures de confinement, qui ne concernaient que le nord du pays, avaient provoqué des réactions de panique et de colère. La nouvelle ayant fuité dans les médias avant l'annonce officielle, des centaines de personnes s'étaient ruées dans les derniers trains en direction des régions épargnées par ces mesures, mais qui ne le sont donc plus depuis lundi soir. Des figures politiques, notamment venant de la Ligue, le parti d'extrême droite de Matteo Salvini, avaient contesté ces décisions drastiques. Et l'annonce de la suspension des visites et des permissions a entraîné des mutineries dans au moins dix prisons du pays, qu'elles soient ou non situées dans la zone confinée. Plusieurs détenus (dix selon le dernier bilan des autorités mardi après-midi) sont morts dans des conditions encore indéterminées.
Lundi soir, au moment même où les nouvelles mesures de confinement visant tout le pays étaient annoncées, certains supermarchés ouverts de nuit ont été pris d'assaut, à Rome et à Naples notamment. Un vendeur interrogé par l'agence de presse italienne Ansa décrivait des rayons où les savons et désinfectants – mais aussi les pommes de terre, les biscottes, le lait, le sucre et la farine – partaient en premier des rayonnages, "comme en temps de guerre". Les supermarchés resteront pourtant ouverts en journée. Mardi, dans la capitale, les journalistes de l'AFP ont constaté des files dans les supérettes, où les clients se tiennent à distance les uns des autres.
Pour autant, les mesures semblent plutôt respectées. "Ce qui est très impressionnant, c'est le silence", raconte à France 2 une habitante française de Rome, dont la fenêtre donne sur une rue déserte. "On a l'impression que les gens ont vraiment pris conscience de la gravité des choses. Même parmi les gens qui sont dans la rue, personne ne parle."
De cette crise ressortent aussi des exemples de solidarité : une cagnotte en ligne, lancée lundi par une influenceuse et un rappeur italiens, avait dépassé mardi midi la barre des trois millions d'euros de dons, que les organisateurs disent destiner au financement des soins intensifs dans un hôpital milanais.
On se plie aux consignes jusqu'au Vatican. Le Saint-Siège a diffusé une vidéo du pape François célébrant tout seul sa messe quotidienne à la résidence Sainte-Marthe, à quelques pas de la basilique Saint-Pierre. "Prions le Seigneur pour nos prêtres, pour qu'ils aient le courage de sortir et d'aller visiter les malades", a-t-il exhorté.
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