Coronavirus : "Le pays réalise le rôle clé de l'industrie", se félicite le président de France Industrie
Selon Philippe Varin, l'industrie a prouvé à quel point elle était à la fois "moteur de l'économie", mais aussi "pilier de la sécurité sanitaire". Il appelle à la réouverture des usines et à une relocalisation des productions stratégiques.
Le secteur industriel emploie aujourd'hui trois millions de personnes en France. "Je crois que le pays réalise, en temps de guerre, le rôle clé de l'industrie comme moteur à la fois de l'économie, mais aussi comme un pilier de la sécurité sanitaire", sest réjoui jeudi 23 avril sur franceinfo Philippe Varin, le président de France Industrie, l’organisation professionnelle de l’Industrie en France, et ancien patron de PSA Peugeot-Citroën. Il juge urgent de rouvrir les usines et se prononce aussi pour plus d’investissement des industriels, notamment pour relocaliser certaines productions stratégiques.
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franceinfo : Est-ce qu’il est temps de rouvrir les usines, et avec ou sans masque ?
Philippe Varin : L’industrie est au rendez-vous aujourd’hui. Malgré les défis, elle assure la continuité de la production en donnant toutes les garanties de sécurité sanitaire aux équipes. Elle se mobilise massivement en soutien du secteur santé. Notre taux moyen d'activité, c'est 56% de notre nominal, avec des secteurs qui sont très touchés, l'automobile, la construction, l'aéronautique, mais aussi des secteurs qui résistent bien dans l'agroalimentaire, la santé, l'emballage ou l'hygiène. Je dois rendre hommage aux équipes de la deuxième ligne de front. Leur mobilisation est remarquable. Grâce à eux, notre pays peut continuer à vivre. Je crois que le pays réalise, en temps de guerre, le rôle clé de l'industrie comme moteur à la fois de l'économie, mais aussi comme un pilier de la sécurité sanitaire. Mais cette situation ne peut pas s'éterniser. Dans chacune des branches, des dispositions ont été prises. Très souvent, le port du masque est nécessaire et de façon obligatoire lorsque la distanciation sociale ne peut pas être respectée. C'est important pour nous, il ne faut pas ajouter à cette crise sanitaire un effondrement économique et une grave crise sociale. Les mesures d'urgence prises par le ministère de l'Économie et des Finances sont indispensables. Mais d'un autre côté, notre taux d'activité, il est plus faible que celui de nos voisins et il faut absolument poursuivre la reprise progressive, car le monde ne nous attend pas.
On sait que la facture de cette crise va être absolument colossale. Est-ce que les patrons doivent donner l'exemple en baissant leurs rémunérations ?
Je pense que beaucoup d'entreprises font aujourd’hui une démonstration, montrent la voie. Vous avez mentionné la rémunération, je crois aussi qu’il y a la position sur le renoncement des dividendes. Ce n’est pas le cas de toutes les entreprises, mais en tout cas les entreprises qui ont bénéficié de l'aide de l'État, celles-ci, ont décidé soit de réduire, soit de renoncer à leurs dividendes. Sur les salaires des patrons, je pense qu'un certain nombre d'entreprises ont renoncé à une partie de leur rémunération, une part variable. Je pense que ce sont de bonnes initiatives. Au-delà de ces signes qui sont symboliques, ce qui est important pour nous, industriels, c'est de préparer le plan de relance qui doit être un véritable plan de renaissance industrielle pour faire repartir l'économie, le monde d'après. Des enjeux énormes nous y attendent. Il y a le besoin de sécurité et de protection des Français. C'est évident par la montée des risques. Il faut assurer la souveraineté dans un certain nombre de domaines, relocaliser ou sécuriser des maillons d'approvisionnements. Il faut prendre plus que jamais en compte les enjeux environnementaux, qui sont d'ailleurs souvent des opportunités autant que des contraintes. On va avoir un besoin de fonds propres puisque les mesures qui ont été prises sont en fait des emprunt pour soutenir l'investissement. Je pense qu'il faudra maintenir la cohésion sociale parce que la demande va être effectivement en berne en sortie de crise.
La situation de l'emploi va être préoccupante. Comment l’industrie va-t-elle évoluer après cette crise ?
Nous avons demandé à nos 18 filières de construire leur plan de relance.
Ce plan de relance va avoir deux leviers majeurs. Le premier, c'est l'investissement. Le deuxième, c'est notre capital humain.
Philippe Varin, le président de France Industrieà francenfo
Les investissements vont concerner la relocalisation. Je crois qu'il faut rapatrier ou mettre sous contrôle certains maillons qui sont stratégiques de nos approvisionnements. On a eu des ruptures sur les masques, sur les gels, les équipements médicaux, mais aussi sur des pièces d'équipement automobile ou électronique. Dans un certain nombre de cas, il va falloir aussi réévaluer l'équation économique de certaines consommations, comme l'agroalimentaire, avec des circuits courts. Le deuxième levier que j'évoquais, c'est celui du capital humain. Je pense qu'il faut éviter les positions qui pourraient être simplistes dans ce domaine. Nous avons depuis trois mois changé radicalement de perspective. Il y a trois mois, l'industrie offrait 250 000 emplois par an, 50 000 emplois qu'on ne peut pas pourvoir. Aujourd'hui, ça n'a plus rien à voir. Il faut contrer le gel des embauches qui est en train d'arriver. Et puis contrer l'inévitable montée du chômage. Pour faire cela, nous, on travaille sur trois pistes. La première, c'est une nouvelle organisation dans les entreprises. Il faut prendre le relais du chômage partiel rapidement, le plus rapidement possible, avec des accords de performance collective. Et là, je dirais qu'il y a un maître-mot, c'est la flexibilité. Le deuxième point important, ça va être la gestion la plus réactive de l'emploi parce qu'il va y avoir des nouveaux chômeurs. Il faut des dispositifs à inventer au niveau régional, avec des formations associées pour pouvoir faire en sorte qu'ils trouvent un nouvel avenir professionnel. Troisième point important, c'est que nous avions une très bonne dynamique de l'apprentissage et de l'alternance. Il va falloir la maintenir ou la relancer.
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