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Coronavirus : des chercheurs belges annoncent des résultats prometteurs en adaptant un vaccin contre la fièvre jaune

Plus de 150 vaccins sont en cours de développement dans le monde. En Belgique, l'Institut Rega espère lancer un essai clinique cet hiver après avoir obtenu des résultats encourageants sur des hamsters.

Article rédigé par franceinfo
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Une équipe de chercheurs durant le développement d'un vaccin candidat, à l'institut Rega de Louvain (Belgique). (LAYLA AERTS / UNIVERSITE DE LOUVAIN)

En virologie comme en cuisine, c'est parfois dans les vieux pots que l'on fait les meilleures confitures. Des chercheurs de l'université de Louvain (Belgique) affirment avoir développé un vaccin candidat contre le nouveau coronavirus – nommé "RegaVax" – en adaptant un vaccin contre la fièvre jaune (YF17D). Il s'agit de l'un des premiers "à avoir fait ses preuves sur des animaux de laboratoire", a annoncé l'équipe de l'Institut Rega jeudi 9 juillet. "Si tout se passe comme nous le prévoyons, nous voulons débuter les premiers essais cliniques chez l'homme avant la fin de l''année", a fait savoir Kai Dallmeier, l'un des chercheurs ayant travaillé sur ce vaccin.

Les chercheurs belges ont d'abord inoculé le Sars-CoV-2 à des hamsters par leurs voies respiratoires, afin de vérifier l'existence d'une infection pulmonaire similaire au Covid-19. Au cours des essais, l'équipe a observé que les hamsters vaccinés avec le YF17D – l'un des huit prototypes – ne présentaient aucune trace du Sars-CoV-2 dans leurs poumons après avoir été exposés au coronavirus. Ou à des quantités infinitésimales, de l'ordre de 500 000 fois inférieures à celles observées dans les poumons des animaux de deux groupes témoins (non vaccinés et vaccinés contre la fièvre jaune). Par ailleurs, les hamsters vaccinés n'ont développé aucune infection des poumons, selon ces travaux, qui font actuellement l'objet d'une relecture par des pairs avant publication.

"C'est de l'ingénierie génétique"

Pour obtenir ce résultat, les chercheurs ont choisi d'utiliser le vaccin bien connu contre la grippe jaune, produit à partir d'une forme atténuée du virus. Celui-ci aura pour mission d'être le vecteur du code génétique qui lui sera inséré pour susciter une réponse immunitaire et combattre d'autres maladies. D'ailleurs, deux vaccins contre la dengue et l'encéphalite japonaise utilisent déjà le même procédé, en adaptant génétiquement un virus atténué de la fièvre jaune. En effet, le vaccin YF17D a l'avantage de bien tolérer ces insertions génétiques sur deux sites bien précis de sa polyprotéine virale.

Ici, l'Institut Rega a inséré des parties du code génétique caractéristique des glycoprotéines de pointe (spike S) du coronavirus, qui permettent au Sars-CoV-2 de se lier à la surface d'une cellule avant d'y pénétrer. "C'est de l'ingénierie génétique. Nous avons inséré une partie du génome du coronavirus dans le génome du vaccin de la fièvre jaune", a précisé Emmanuel André, microbiologiste à l'Institut Rega, lors d'une conférence de presse en ligne.

Ce schéma présente le principe du vaccin candidat développé par l'institut Rega. Une partie du génome du coronavirus (guidant la production de la protéine Spike S) est insérée dans le génome du vaccin contre la fièvre jaune, constitué de virus atténué. Celui-ci se multiplie dans les cellules et entraîne une réponse immunitaire spécifique à la pointe du coronavirus. En cas d'infection au Sras-Cov-2, les pointes sont neutralisées et le coronavirus ne peut plus se fixer aux cellules. (INSTITUT REGA DE LOUVAIN)

Le virus modifié de la fièvre jaune va se multiplier dans les cellules. Sous sa forme atténuée, il n'est pas infectieux (hormis pour les personnes immunodéficientes). En revanche, il va déclencher une réaction immunitaire et donc la production d'anticorps capables de cibler les protéines de pointe du coronavirus. En cas de future infection par le Sars-Cov-2, les anticorps neutraliseront ces pointes et le coronavirus sera de fait incapable de se fixer aux cellules, et donc de s'y multiplier.

"Il reste encore du chemin à parcourir"

Les chercheurs ont également observé qu'une seule dose du vaccin avait été suffisante et que de nombreux animaux étaient déjà immunisés dix jours seulement après la vaccination. "Plusieurs éléments distinguent ce vaccin", s'est ainsi félicité Emmanuel André. "La première, c'est la façon dont il a été créé, avec un vecteur qui est le vaccin de la fièvre jaune. Ensuite, la démonstration scientifique faite ici démontre une production d'anticorps très importante et très précoce."

"Nous avons débuté nos travaux sur huit prototypes peu après le 12 janvier, quand les chercheurs chinois ont partagé en ligne le code génétique du virus", explique le professeur Johan Neyts. "Nous sommes heureux des résultats, même s'il reste encore du chemin à parcourir."

Johan Neyts, professeur en virologie à l'université de Louvain (Belgique) et à la tête des opérations du laboratoire Rega. (LAYLA AERTS / UNIVERSITE DE LOUVAIN)

En effet, le laboratoire doit maintenant faire appel à une compagnie spécialisée dans les essais cliniques, des négociations sont d'ailleurs en cours. "Si tout se passe comme nous le prévoyons, nous voulons débuter les premiers essais cliniques chez l'homme avant la fin de l''année", ajoute Kai Dallmeier, qui conduit l'équipe de développement des vaccins à l'université de Louvain.

Cela prend généralement au moins dix ans pour développer un vaccin, donc nous avons travaillé exceptionnellement vite.

Kai Dallmeier

cité dans un communiqué

"Si l'efficacité du vaccin est confirmée chez l'humain, il y aura alors la logique de le produire localement et de reproduire des unités de production à l'international pour que le vaccin soit disponible où il est nécessaire", poursuit Emmanuel André. Quelque 150 vaccins sont actuellement en cours de développement dans le monde mais le prototype de l'université de Louvain est le seul qui cherche à adapter génétiquement le vaccin contre la fièvre jaune.

Course au vaccin dans le monde entier

Cette piste prometteuse permettra-t-elle d'aboutir à une solution fiable et efficace ? "Il faut faire attention aux effets d’annonce", rappelait Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique sur le Covid-19, dans un entretien à Ouest-France. Toujours est-il que la course au vaccin bat son plein, alors que certains redoutent une recrudescence du virus. Le mois dernier, l'Europe a trouvé un accord de principe avec le laboratoire AstraZeneca, qui prévoit une fourniture allant jusqu'à 400 millions de doses à prix coûtant si leur projet de vaccin aboutit.

Du côté de Sanofi, on planche sur le développement de deux vaccins attendus courant 2021. Le premier, développé avec le Britannique GSK, utilise la technologie dite de l'ADN recombinant, déjà utilisée pour un vaccin antigrippal. Le second, développé en partenariat avec l'entreprise de biotechnologie Translate Bio, se base sur la technologie de l'ARN messager. Une étude clinique de phase 1 pourrait débuter à la fin de l'année.

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