Coronavirus : "Ça devient très tendu" pour les tests de dépistage, "on est en limite de nos capacités", préviennent les jeunes biologistes médicaux
Lionel Barrand, président du syndicat SJBM estime "réaliste" l'objectif d'un million de tests par semaine fixé par le ministre de la Santé. Mais pointe la fatigue du personnel et une imminente pénurie de réactifs. Il conseille vivement de cibler les personnes à tester.
"Ça devient très tendu" pour les tests de dépistage, "on est en limite de nos capacités", alerte vendredi 28 août sur franceinfo Lionel Barrand, président du Syndicat national des jeunes biologistes médicaux. Le ministre de la Santé Olivier Véran a précisé la veille que l'objectif était désormais d'arriver à un million de tests de dépistage du coronavirus par semaine. "Un objectif réaliste", selon Lionel Barrand. "On en est déjà à 850 000 cette semaine, on a fait trois fois plus en moins d'un mois, donc la semaine prochaine ou dans deux semaines on sera à un million", indique-t-il tout en appelant à "prioriser les cas symptomatiques, les cas contacts et les retours de pays à risque notamment, parce qu'on a des problèmes de ressources humaines".
franceinfo : Cet objectif d'un million de tests par semaine est-il réaliste ?
Lionel Barrand : Oui, il est réaliste. On en est déjà à 850 000 cette semaine. On a fait trois fois plus en moins d'un mois, donc la semaine prochaine ou dans deux semaines, on sera à un million.
Ça veut dire que tous les freins sont levés ?
Non, pas du tout. En fait, on est passés d'un extrême à l'autre. Au début, on ne dépistait personne et maintenant, on dépiste tout le monde et n'importe qui. Ce qu'il faudrait, c'est prioriser les cas symptomatiques, les cas contacts et les retours de pays à risque notamment, parce qu'on a des problèmes de ressources humaines, nos équipes sont sur les rotules. On a des problèmes de réactifs qui commencent à réapparaître, donc là ça devient très tendu et on est en limite de nos capacités analytiques. Donc il faudra vraiment qu'on cible les bonnes personnes pour limiter le virus parce que sinon, on va se retrouver dans une situation insupportable à la rentrée.
Ce que vous dites, c'est qu'on teste beaucoup aujourd'hui, mais pas les bons ?
Oui, c'est ça. Quand on dépiste toute une ville entière, ou tout un département, parce que le maire a envie, en affichage politique, de marquer des points, et qu'on dépiste n'importe qui, ça ne va pas.
Parce qu'une personne, si on la dépiste au mauvais moment, elle peut être négatif alors que le lendemain, elle serait positif. Donc toutes les personnes qui n'ont pas de symptômes et qui font le test juste pour le fun vont se sentir rassurés alors qu'ils sont peut-être en pleine phase d'incubation et qu'ils sont en train de diffuser le virus.
Lionel Barrand, président du Syndicat national des jeunes biologistes médicauxà franceinfo
Pareil, madame Michu qui vient toutes les semaines sans symptômes et qui est pourtant chez elle toute la semaine, ce n'est pas forcément nécessaire. Donc il faut qu'on priorise parce que le problème, c'est qu'il y a des gens qui ont des symptômes et qui veulent se faire dépister, mais pour qui c'est le parcours du combattant et donc ils se découragent. Et ces personnes-là sont en train de diffuser le virus à leur entourage. Ça c'est quelque chose qui n'est pas possible parce qu'il faut rendre rapidement les résultats pour les personnes qui sont à risque. Il faut aussi organiser des drive dans les villes dans lesquelles le laboratoire n'est pas en capacité de prélever des PCR, tout simplement parce qu'il n'y a pas de parking ou que la salle d'accueil est trop exiguë. C'est ça qu'il faut organiser pour augmenter encore cette cadence.
Est-ce que cela signifie qu'il faut instaurer un passage obligatoire chez le médecin pour se faire tester ?
Soit un passage chez le médecin, soit une téléconsultation, ou alors un système facile d'ordonnance type par l'assurance maladie quand il y a quelque chose. Ou la possibilité de prioriser les personnes qui ont des symptômes en prenant directement rendez-vous sur internet, mais en précisant dans quelle case on est.
Des tests salivaires vont aussi bientôt être mis en place, mais leurs résultats sont pour l'instant fiables à seulement 70%, ça fait une grosse marge d'erreur ?
Oui, ça fait une grosse marge d'erreur. Et la difficulté, c'est qu'une personne qui est faussement négatif au moment où elle est pile en période d'incubation et de contagion, c'est gênant parce qu'elle risque de transmettre le virus à tout le monde alors qu'elle croit qu'elle est négatif. Donc évidemment, on ne peut pas avoir un test à 100% mais il faut quand même qu'on s'approche des meilleures performances. Et là, pour l'instant, sur le test salivaire, on n'y est pas encore. On espère qu'on va y être très rapidement. J'espère bien qu'on va réussir à trouver un test qui nous permette d'avoir des performances quasi similaires et qu'on pourrait utiliser tout simplement quand le test naso-pharyngé est très compliqué à faire. Je pense notamment aux enfants ou aux bébés.
J'aimerais bien que la semaine prochaine ou dans deux semaines, on puisse avoir des tests salivaires qui arrivent, notamment pour des collectivités comme les crèches, parce que ce sera beaucoup plus facile à réaliser qu'un test naso-pharyngé pour les bébés.
Lionel Barrand
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