"Oui, on a été abandonnés !" : la famille du docteur Djemoui, généraliste mort du coronavirus, invitée à la cérémonie du 14-Juillet
Ali Djemoui, médecin généraliste de 59 ans, est mort le 2 avril dernier. Sa veuve et ses quatre enfants sont invités aujourd'hui aux cérémonies du 14-Juillet. Ils attendent des excuses du chef de l'État.

"Suite au décès du docteur Djemoui, le cabinet est momentanément fermé. Un remplaçant est en cours de recherche." Une simple affichette scotchée sur la porte d'entrée annonce que le cabinet du docteur Ali Djemoui est fermé depuis son décès. Le médecin généraliste est mort du Covid-19, le 2 avril. Sa femme Hakima continue pourtant de venir régulièrement dans son cabinet, situé dans le quartier populaire du Bois-l'Abbé à Champigny-sur-Marne. "C'est tellement chargé d'émotion, ça me fait un peu de mal de venir ici. Mais après tout, c'était son lieu de travail et je me sens bien."
Quatre mois après son décès, Hakima, toute de noir vêtue, n'arrive toujours pas à réaliser. Ali, son mari, médecin généraliste de 59 ans, a été emporté par le coronavirus le 2 avril dernier après seulement quelques jours d'hospitalisation. Son cabinet n'a jamais fermé ses portes pendant la pandémie, accueillant tous les malades, malgré les risques et l'absence de protection. "Vous vous rendez compte le choc, le traumatisme ! Vous vous rendez compte : un médecin généraliste !" Hakima et ses quatre enfants sont invités aux cérémonies du 14-Juillet, en hommage aux soignants.
Mon mari avait un masque qu'il portait pendant une semaine. Vous vous rendez compte un médecin généraliste qui porte le même masque... une semaine !
Hakima, veuve du docteur Djemouià franceinfo
Comme de très nombreux médecins généralistes, Ali Djemoui n'avait quasiment rien pour se protéger du virus. "Il m'a toujours dit : 'Nous sommes réquisitionnés, M. Macron a dit qu'on était en guerre, il faut ouvrir', se souvient Hakima. Mais il fallait voir : de 12 patients le matin on est passé à 33 patients, c'était de l'endurance, un marathon", déplore-t-elle.
"On a été abandonnés"
De quelles protections disposait son mari pour recevoir ses patients ? "Rien. Mon mari avait un masque qu'il portait pendant une semaine. Et quand on a pu avoir des masques par notre pharmacien de quartier, on avait 18 masques par semaine. Mon mari en gardait bien sûr quatre, mais quand il allait faire des visites à domicile, il les donnait." Également assistante médicale de son cabinet pendant 17 ans, Hakima se rappelle du défilé permanent des malades : "On les appelait, je faisais une liste, tel nom, tel nom... et j'allais les chercher un par un."
C'était la guerre sanitaire ! Il faut bien comprendre qu'il y avait trop de monde. Pas qu'en salle d'attente, dans le couloir, en bas...
Hakima, veuve du docteur Djemouià franceinfo
Hakima a le sentiment que l'État a laissé les médecins généralistes se débrouiller seuls. "Oui, on a été abandonnés, s'emporte-elle. Quand j'entends M. Véran dire : 'Non les médecins libéraux n'avaient pas besoin de masques'... il rigole ? Il faut voir les gens qui étaient sur le terrain. Moi, j'étais sur le terrain. Moi, je peux lui dire : on manquait de masques."
L'aînée du Dr Djemoui, Farah, étudiante infirmière de 20 ans, attend beaucoup de cette entrevue avec Emmanuel Macron. "C'est douloureux, c'est par périodes, confie-t-elle. Il y a des moments où je ne vais pas trop y penser et ça va aller, d'autres où je vais voir des photos, ça va être plus difficile." Sa fille attend-elle une réparation de l'Etat, des excuses ? "Des excuses, oui. Une réparation, je ne sais pas, parce que ça ne pourra pas ramener mon père."
Comment Farah voit-t-elle son père aujourd'hui ? "Comme un héros. Voilà." Impossible d'aller plus loin, ses yeux sont plein de larmes. Sa mère espère que le chef de l'État les entendra. "Mon témoignage en tant que veuve, ça peut lui servir d'expérience pour ne jamais refaire ça. Parce que vous savez, les erreurs, ils faut les accepter." Pour que ce décès serve, comme une leçon à retenir.
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