Carnaval non déclaré à Marseille : "Faisons attention à ne pas régir totalement la vie des personnes au plan sanitaire", prévient un psychiatre
"C'est un épuisement et une absence de visibilité sur l'avenir". Le professeur Lejoyeux met en garde contre la "dictature sanitaire" et propose, comme pour le Covid, "un dépistage de ceux qui vont le plus mal".
"Faisons attention à ne pas régir totalement la vie des personnes au plan sanitaire", alerte le professeur Michel Lejoyeux, chef du service de psychiatrie et d'addictologie à l'hôpital Bichat de Paris lundi 22 mars sur franceinfo après le carnaval non déclaré à Marseille dimanche qui a réuni plusieurs milliers de personnes sans respect des gestes barrières. Avec le ministre de la Santé Olivier Véran, le Premier ministre Jean Castex tiendra une réunion consacrée aux enjeux de santé mentale à l'aune de la pandémie, dans la journée à Matignon.
franceinfo : Qu'est ce qui s'exprime à travers le carnaval de Marseille, à votre avis ?
Michel Lejoyeux : C'est un épuisement et une absence de visibilité sur l'avenir.
"On est face à un stress tout à fait inédit, il peut y avoir aussi des réactions de colère, d'exaspération qui sont un indice de déni de la réalité."
Pr Michel Lejoyeux, chef du service de psychiatrie et d'addictologie à l'hôpital Bichat de Parisà franceinfo
C'est un peu facile de dire que tout ça n'est pas responsable par rapport à la circulation du virus. Mais on peut entendre qu'à certains moments, on ne peut plus percevoir la réalité, tellement cette réalité est angoissante. Le refuge dans le déni devient la seule solution. La question de la "dictature sanitaire" est très importante. Il faut que nous, médecins, nous fassions attention à nous concentrer sur les recommandations vitales autour du vaccin, autour des gestes barrières, autour de la circulation du virus. Mais faisons attention à ne pas régir totalement la vie des personnes au plan sanitaire dans ces moments-là.
Pourquoi faut-il se saisir de la question de la santé mentale ?
Je vois trois situations émerger. La première, c'est une nouvelle population d'adultes jeunes ou d'adolescents qui sont en difficulté, difficultés dans leurs études, difficultés pour l'accès au travail. Et puis une explosion des situations d'addiction. Et la troisième chose, c'est que nos patients déjà suivis en psychiatrie, les déprimés, les handicapés, les anxieux, les psychotiques, eux, n'acceptent plus et vont plus mal. Donc, évidemment qu'il y a une urgence à les prendre en charge.
Faut-il davantage de moyens ?
Il faut aussi une stratégie en psychiatrie, je crois, comme dans les autres disciplines, avec un dépistage de ceux qui vont le plus mal. C'est exactement comme le Covid, une prévention, une capacité qu'on a collectivement à augmenter notre résistance à ce stress. Et puis, évidemment, une offre de soins, à la fois, une offre de soins classiques pour ceux qui vont déjà mal et puis une offre de soins probablement un peu originale. Un peu innovante, avec probablement des psychothérapies un peu différentes pour ces nouveaux traumatisés psychiques du Covid.
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