C'est dans ma tête. Retourner au restaurant ?
Après la réouverture des restaurants qui a soulagé un grand nombre de professionnels, reste à savoir comment les clients vont pouvoir vivre et apprécier cette période d'entre-deux. Une sortie au restaurant, pas exactement comme avant le coronavirus. La psychanalyste Claude Halmos nous explique pourquoi.
Les restaurants ont rouvert mardi 2 juin. Totalement, en zone verte, et seulement en terrasse, dans les zones orange (et bien sûr dans le respect des règles de sécurité). On sait ce que cette réouverture des établissements représente pour les restaurateurs. Nous revenons aujourd'hui avec la psychanalyste Claude Halmos sur comment les clients vont vivre cette réouverture.
franceinfo : que représente cette réouverture des restaurants pour les clients ? Comment la vivent-ils ?
Claude Halmos : De nombreux restaurateurs disent craindre que, passée l’euphorie des premiers jours, leurs clients aient du mal à revenir. La fréquentation des restaurants, qui était déjà pour beaucoup de gens, un luxe, risque en effet de pâtir de la situation économique, et des angoisses qu’elle suscite. ; mais aussi de celles, dues au virus, qui habitent toujours les clients, et les font se sentir ambivalents, partagés.
Ils voudraient retrouver les restaurants, parce qu’ils sont un symbole de leur vie d’avant le coronavirus. Mais les retrouver, tels qu’ils étaient auparavant. Or, ils savent que ce n’est pas possible ; et de ce fait hésitent. Et ce n’est pas anecdotique, parce qu’on retrouve souvent, depuis le déconfinement, le même sentiment de malaise, qui fait dire, d’ailleurs, à beaucoup de gens que le déconfinement est plus difficile à vivre, pour eux, que ne l’a été le confinement. Et on peut le comprendre.
Pourquoi le déconfinement est-il plus difficile à vivre pour beaucoup de gens ?
Nous adapter au confinement nous a demandé, à tous, beaucoup d’énergie. Et, si nous en étions sortis pour revenir à la vie normale, nous aurions eu, déjà, à "gérer" une grande fatigue psychologique. Or, non seulement la situation actuelle ne nous permet aucun repos, mais elle nous oblige à trouver encore des forces pour, dans une vie qui n’est toujours pas normale, essayer néanmoins de vivre normalement.
Malgré la peur, toujours présente, la privation de certaines choses, l’obligation, pour qu’elles ne disparaissent pas totalement, d’aménager (de façon souvent frustrante) les autres. Et, qui plus est, l’incertitude, car nous ne savons pas combien de temps tout cela va durer. C’est un travail d’équilibriste entre le "normal" et le "pas normal", et le problème du retour dans les restaurants, l’illustre.
De quelle façon ?
Les clients se retrouvent, du fait des règles de sécurité, dans une sorte d’entre-deux. Ces règles les rassurent, parce qu’elles limitent le danger. Mais en même temps, elles limitent leur plaisir. Celui d’une convivialité fondée sur une promiscuité, non pas imposée et désagréable, comme dans d’autres lieux de la société, mais au contraire, choisie et chaleureuse ; sur une possibilité d’insouciance, de facilité, de légèreté.
Supporter cet entre-deux est la condition pour que les restaurants continuent à vivre, et que les clients eux-mêmes recommencent à vivre. Mais il les oblige à faire le deuil - relatif et provisoire - de certaines choses. Ce deuil est, pour certains, difficile à faire, et ils essayent de l’éviter (en refusant de retourner dans les restaurants ou, au contraire, en essayant d’y retourner sans précautions). Sans doute parce qu’ils ont du mal à accepter, que à la carte de la vie, comme à celle des restaurants, certaines choses, parfois, puissent manquer.
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